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QVT : réduisons la charge mentale ?

Charge mentale ou stress ?

De nombreux collaborateurs sont véritablement impliqués dans leur travail et déploient une énergie remarquable pour le faire au mieux. Mais paradoxalement cette énergie est parfois parasitée par un éparpillement qui nuit à leur efficacité et accroît leur fatigabilité. Combien de bureaux dans lesquels nous sommes entrés, qui débordent de papiers entassés, d’affichage en tout genre, de post-it décorant les abords d’un écran d’ordinateur.  Sans parler de ceux, celles, qui se rassurent encore en glissant leur agenda papier dans leur sacoche, lui aussi gonflé d’une multitude de documents importants. Autant d’informations que le cerveau traite en permanence parce qu’elles font obstacle au regard, autant d’élément qui s’ajoutent à la charge mentale quotidienne. La charge mentale est un concept sociologique initialement étudié à partir de la charge cognitive que représentent les éléments du quotidien domestique (rendez-vous médicaux à prendre, liste de courses, tâches ménagères, trajets liés aux loisirs des enfants, etc.) et dont les enquêtes ont montré qu’elle impactait essentiellement les femmes. Progressivement, le concept s’est étendu et s’est déplacé dans l’analyse de certaines situations de travail.

De quoi s’agit-il ? Le travail a changé, et le rapport au travail a changé. L’arrivée des techniques notamment, a permis de gagner en efficacité et en performance, tant au niveau de la communication sous toutes ses formes, que dans l’environnement du travail, son organisation, son cadre. La charge mentale au travail se traduit aujourd’hui par la pression psychologique qui s’exerce sur les individus dans de nombreux segments de leur activité. Le fameux « Penser à… », « Ne pas oublier », « Urgent ! », s’ajoutent aux impératifs de concentration, de minutie, de rigueur, de qualité, qui s’imposent dans quasiment tous les domaines professionnels. Sans parler des tensions dans les interactions, des formes managériales discutables, d’une concurrence toujours plus agressive, et de la question centrale de l’atteinte des objectifs. Alors me direz-vous, travailler a toujours supposé d’y consacrer ses pensées et son énergie, tout en étant soumis à un certain nombre de contraintes. Effectivement. Mais il est impossible de ne pas intégrer ce qui depuis quelques années a accru la pression qui s’exerce sur les professionnels, à partir notamment d’une exigence de communication réactionnelle devant se teinter d’une quasi instantanéité.

S’agit-il de stress ? Oui, et non. La charge mentale (on parle même parfois de sur-charge mentale ) est un état de sur-sollicitation qui finit par épuiser l’individu vivant dans la crainte de ne pas s’acquitter correctement de telle ou telle tâche, devant gérer des injonctions diverses, voire paradoxales, et luttant quotidiennement contre le temps. Le stress n’est que la conséquence de cet état. C’est la manifestation symptomatique d’un état de nervosité et d’inquiétude important, qui va se traduire par l’ensemble des troubles que nous connaissons tous (douleurs dorsales, fatigue chronique, troubles du sommeil etc.).

Charge mentale ou charge de travail ?

JC. Sperandio, en 1972, soulignait la chose suivante : Le point de départ des études de charge de travail est constitué généralement par un problème pratique qui se pose « sur le terrain », et qui exige rapidement une réponse ou une solution. Le plus souvent il s’agit de définir des seuils pour des tâches données, au-delà desquels on pourra s’attendre lors de l’exécution de ces tâches à des dégradations diverses : baisse de la performance, apparition de symptômes de fatigue, augmentation du risque d’accident ou d’erreurs graves etc. (…) A ce stade, les problèmes de charge se posent dans la mesure ou ceux-ci déterminent le niveau de charge de travail. (« Charge de travail et régulation des processus opératoires », in Le travail humain, Puf). Si le sujet de la charge mentale, du moins explicité comme tel, n’est pas concrètement évoqué, ne parlons-nous pas de la même chose ? La question de la pression psychique, telle que décrite aujourd’hui, bénéficie de la démocratisation et de la familiarisation des sciences humaines qui ont, sous des formes bien diverses, envahie nos kiosques et nos pages Internet. De la même manière, la QVT (Qualité de Vie au Travail) devient une préoccupation majeure, conséquence des tragédies qui ont émaillées certaines entreprises ou secteurs professionnels par le biais des suicides de certains salariés. La prévention des risques psychosociaux a ainsi fait son apparition, et ainsi, ouvert le portail de tous les travaux de recherche et d’enquêtes portant précisément sur cette question de l’amélioration de la QVT.

Tout est question d’organisation ?

La gestion de la charge mentale se situe au carrefour de l’individu et de l’organisation du travail. Ce qui est externe, et ce qui est interne. En effet, il est des collaborateurs qui naturellement ne se laisseront pas envahir par le spectre de l’excès de pression, trouveront des solutions adéquates, modifieront leur rapport au travail et aux formes matérielles qu’il prend, utilisant la technologie à leur service plutôt que d’en subir les effets. Ceux-là, la plupart du temps, ne seront pas impactés. Du moins le suppose-t-on. Mais restons vigilants, personne n’est véritablement à l’abri. Nous avons constaté que les accompagnements de type « coaching » qui nous sont demandés, s’adressent de plus en plus souvent (mais pas uniquement !) à des professionnels qui ont un très haut niveau de compétences techniques, mais démontrent d’un défaut d’organisation, se laissant parasiter par un foisonnement d’informations à traiter ou auxquelles réagir, sans plus arriver à les hiérarchiser. La tension monte.

La plupart du temps nos actions s’adressent à des managers, et ce sont ceux-là, justement, qui sont soumis à la plus importante des charges mentales, pris en étau entre les orientations descendantes et les résistances ascendantes. La démarche managériale, celle dans laquelle ils s’engagent et celle qu’ils déploient, demeure donc centrale. Souvent, l’environnement matériel du travail est le premier marqueur, de ce qui relie le professionnel à ses missions. Sans entrer dans le sempiternel débat du bureau rangé ou du bureau surchargé, un mur tapissé de documents, un bureau coloré de notes diverses, des bouts de papiers accrochés à l’écran de l’ordinateur, sont déjà le témoignage d’une imminente surchauffe. Comment faire ainsi la différence entre ce qui est prioritaire, urgent, ou tout simplement : évident ?

Réduire les risques liés aux pressions du travail, améliorer la QVT, et rendre efficace les collaborateurs, passent très souvent par une démarche d’émancipation mentale qui va en premier lieu s’exercer sur cet environnement matériel, sur cette morphologie de l’espace de travail. S’organiser, ne pas se laisser envahir, se libérer de ce qui pollue. Pour autant la tâche n’est pas facile. Le papier, la note, exercent aussi des fonctions psychiquement rassurantes. Combien des professionnels que nous avons accompagnés ont été effrayés lorsque nous leur avons annoncé que bientôt leur affichage serait réduit de plus de 80 % !

Et pourtant. Une fois dépassée l’inquiétude d’être dépossédé d’une façon de fonctionner, les bienfaits de la rationalisation de l’information œuvrant au service de la libération mentale, n’est plus à démontrer. Elle permet de se consacrer plus favorablement à ses activités tout en se prémunissant du spectre de la charge mentale qui quoi qu’il en soit, hantera les couloirs du bureau.

Alors ? On s’organise ?!

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