Management par les valeurs – Interview ASH N°3302 – 7 AVRIL 2023

Management : Diriger par les valeurs, un défi payant

La nécessité de repenser les modes managériaux en passant d’une gestion «verticale» du personnel à des fonctionnements plus participatifs apparaît de plus en plus nettement dans les ESSMS. Pour la sociologue Colette Doumenc, présidente du cabinet d’experts en ressources humaines et management Ihos et vice-présidente de l’Institut de recherche-action en sociologie, sémiotique et communication (Irass), le «management par les valeurs», qui suppose empathie et écoute des salariés, répond bien aux enjeux du secteur social et médico-social. Mieux accueillir, mieux écouter, mieux accompagner : autant de défis à relever pour favoriser l’attractivité.

Cette interview sur le Management par les valeurs a été réalisé début Avril 2023 par Dominique Perez pour l’hebdomadaire ASH. Extrait :

LE DÉFICIT DE RÉFLEXION SUR UN MANAGEMENT PLUS «ACTUEL» DANS LES ESSMS EST DÉPLORÉ PAR NOMBRE D’EXPERTS. CONSTATEZ-VOUS NÉANMOINS DES ÉVOLUTIONS ?

C’est certain. Longtemps, le terme de «management» a été diabolisé dans les ESSMS [établissements et services sociaux et médico-sociaux], étant nettement connoté à l’image de l’entreprise à forte valeur capitalistique, qui ne leur paraissait correspondre ni à leur activité ni à leurs valeurs. C’est dommage, car cela a fait prendre quinze ans de retard au secteur. Au-delà de ce premier constat, quand les établissements ont commencé à réfléchir à la question, ils ont d’abord voulu mettre en place ce qui leur semblait bien correspondre à leur idéologie et se sont axés essentiellement sur le management participatif, tourné vers l’humain. Mais ils y ont assorti une espèce de boîte à outils pour techniciser la démarche, qui s’est révélée totalement inopérante. Pour deux raisons principales : on ne peut pas manager seulement avec des outils, au risque d’oublier l’humain, qui est l’essence du management participatif ; et on ne peut pas manager uniquement par du participatif. C’était peut-être valable dans les années 1980, mais plus en 2023. En effet, les organisations ont dû s’adapter à de nouveaux enjeux, tant au niveau de leurs salariés et des exigences règlementaires qu’à celui de leur fonctionnement

Lire l’article en cliquant sur le lien : Interview ASH 07 avril 2023

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Lâcher-prise et conscience du risque

La question du lâcher-prise se heurte aujourd’hui aux inquiétudes des salariés et des dirigeants. Un constat qui émane des demandes de nos clients, soumis au paradoxe de devoir garantir la sécurité au travail, le respect des gestes barrières, l’accompagnement de l’angoisse de la contamination au COVID-19, et d’accueillir le besoin énoncé des professionnels quant à la nécessité qu’ils éprouvent de faire « baisser la pression » dans leur retour au travail. Cette « pression » qu’ils désignent, nous l’avons constaté dans nos interventions, n’est pas univoque. Elle désigne à la fois la charge de travail ou a contrario la baisse d’activité, le spectre d’une activité économique en berne, le respect des consignes de sécurité mis en place dans les entreprises (port du masque, sens de circulation, distances sociales, etc.), et le besoin de retrouver une vie « normale », et de faire baisser le stress qui s’accumule.

Le lâcher-prise, qu’est ce que c’est ?

Une expression du sens commun mais qui désigne une réalité et surtout nous informe sur un contexte. Le lâcher-prise pourrait se résumer à la nécessité d’accepter une situation, sans nécessairement y résister. Il ne s’agit pas de nier un problème , mais d’accepter qu’il existe, qu’on ne peut pas nécessairement agir dessus, et qu’il n’est pas opportun de tenter de le résoudre  car nous ne disposons pas, à ce moment là, des moyens pour y parvenir. Une réalité, une difficulté à intégrer dans notre existence sans qu’elle y occupe toute la place.

La solution à un problème n’apparaît jamais dans un esprit encombré.

Mais comme nous l’avons souligné, le besoin de lâcher-prise est un indicateur de situation. Il apparaît quand les individus entrent dans une période de saturation, de fatigue psychologique, d’usure, tout autant que d’inquiétude, de stress, d’anxiété, d’incapacité ou d’impuissance. Cette accumulation est aujourd’hui protéiforme, et fortement dépendante de la personnalité des individus. Si l’on est déjà sensible au stress, la période que nous avons traversée et qui nous a soumis au confinement, à la profusion d’informations inquiétantes et parfois paradoxales, aux nouvelles formes de travail (télétravail), à la baisse d’activité ou au contraire à une tension dans l’activité,  à l’isolement affectif, à la superposition des univers sociaux (vie professionnelle/vie personnelle), a généré une anxiété forte. Même pour les plus résistants d’entre nous, cette période inédite a laissé des traces.

La bonne posture managériale serait donc d’évaluer exactement quelles ont été les conséquences psychosociales de ces 3 derniers mois, et comment elles s’ajoutent aujourd’hui avec les dispositions en entreprises.

La conscience du risque

Lâcher-prise ne signifie pas développer une sorte de défiance au risque, voire une inconscience quant à ses conséquences. On ne peut prétendre aujourd’hui avoir entamé un retour à la normale. Certes les régions « sont passées au vert », mais rappelons-nous qu’un état d’urgence sanitaire a été déclaré en France le 23 mars 2020, et qu’il ne devrait prendre fin que le 10 juillet. La norme s’est déplacée. Nous avons tous des bouteilles de gel hydroalcoolique sur nos bureaux, des masques dans nos voitures, dans nos sacs, nous ne nous serrons plus la main, et des flèches au sol nous rappellent comment nous déplacer dans l’entreprise. La question n’est pas d’imaginer à quel terme tout cela disparaîtra (certains pensent d’ailleurs que ces pratiques vont s’installer), mais plutôt à quoi toutes ces nouvelles mesures nous renvoient ? : A une nécessité de vigilance et de sécurité face au risque, même dans l’expression la plus basique (voire partielle) de ces nouveaux usages. Le risque persiste.

Parvenir au lâcher-prise ne signifie donc pas d’annuler cette conscience du risque, mais davantage de l’intégrer, sans qu’elle se superpose à tous les autres éléments qui seraient à l’origine de notre état de stress.

De la nécessité du lâcher-prise

Ce qui empêche de lâcher-prise, c’est une relation intense et chronique à l’émotion provoquée par la difficulté que nous traversons. Généralement de la peur ou de colère, voire les deux. Or, l’effet pervers de ce mécanisme se situe justement dans le lien étroit qui est entretenu avec la situation qui provoque l’émotion, et qui devient quasiment repérante. Ne pas pouvoir agir sur quelque chose qui nous heurte, nous inquiète, nous attriste, nous met en colère, nous pousse à une pensée invasive qui contamine tous les domaines de notre vie, tout en alimentant l’émotion ressentie. Un véritable cercle vicieux. Evidemment, ce cercle vicieux va consumer notre énergie, nous empêcher de savourer les dimensions positives de notre vie, menacer la qualité des relations que nous entretenons avec notre environnement, voire œuvrer sournoisement à sa détérioration, et augmenter tous les symptômes du mal-être.

Lâcher-prise, c’est aussi accepter de ne pas tout maîtriser. Accepter que les situations ne se règlent pas nécessairement au moment où nous le voulons et selon les formes que nous désirons, voire que nous n’avons aucune capacité à les faire évoluer. Une forme de résistance à la frustration.

Nous l’avons évoqué, la personnalité de chacun va faciliter, ou contrarier, le processus. Car il s’agit bien de processus. Une succession d’étapes qui vont finalement œuvrer à la croissance de la confiance en soi et nous permettre de nous détacher de ce qui encombre négativement notre esprit et nous empêche d’avancer. Estime de soi, confiance en soi, affirmation de soi : le trio magique ! Et comme tout autre habileté (certains parleraient de compétence), le lâcher-prise se travaille, jusqu’à s’intégrer à notre façon de penser et d’agir.

Une actualité managériale

Comment encourager le lâcher-prise dans la pratique managériale ?

Si vous ne l’avez pas encore fait, faites un état des lieux de vos ressources humaines. Le retour au travail, nous l’avions évoqué dans un précédent article et dans une visio-conférence consacré à ce thème, a dû, ou sera, accompagné d’une information collective de manière à accueillir les collaborateurs de manière un peu rituelle (et si possible gourmande, la convivialité – distanciée – reste un excellent levier ! ). Cette occasion permet de sonder dans quel état d’esprit s’effectue le retour au travail. C’est une première étape qui livre beaucoup d’informations, et permet ensuite d’activer les bonnes orientations (ou rénovations) managériales.

Le besoin de lâcher-prise se devine assez facilement, même lorsqu’il n’est pas énoncé, à celui qui sera attentif aux indicateurs comportementaux et verbaux des collaborateurs. Le dispositif se déploie ensuite à partir de l’inventaire des inquiétudes, de leur typologie, et des modes d’actions dont nous disposons pour les apaiser. Ces modes d’actions sont nombreux et divers, les plus appropriés seront ceux qui sont le plus ajustés à votre situation et à vos enjeux.

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Innovation Managériale

L’innovation managériale : une nécessité pour les organisations

Selon un sondage réalisé en décembre 2017 par BVA pour Audencia, l’innovation managériale est perçue comme suit.

  • Un moyen d’améliorer la performance économique (64 %)
  • Une façon de faire travailler davantage les salariés (61 %)
  • Une lubie des dirigeants (55 %)
  • Une manière de favoriser le bien-être (40 %)

63 % des dirigeants considèrent leur management innovant au sein de l’entreprise. Seuls 29 % des salariés en saisissent l’intérêt. Mais en fournissant ces réponses, étions nous sûrs que les sondés s’accordaient sur la définition de l’innovation managériale ? Initialement, le concept d’innovation managériale est apparu à la suite de la publication d’un livre de Gary Hamel (1) . Selon l’auteur, les entreprises n’avaient plus d’autre choix que d’innover en matière de management pour mieux manager l’innovation. L’un ne pouvait être conçu sans l’autre, ce qui, avec du recul, semble parfaitement logique. La technologie révolutionnait l’univers du travail et obligeait les entreprises à une nécessaire adaptation au risque de disparaître. L’innovation technologique ne pouvait être accompagnée et appréhendée selon des règles managériales d’un autre âge, davantage apparentées à de la gestion du personnel plutôt qu’à un véritable management.

Le terme Innovation est aujourd’hui employé dans quasiment tous les secteurs d’activité économique. L’INSEE (2) en propose la définition suivante. «L’innovation désigne l’introduction sur le marché d’un produit ou d’un procédé nouveau ou significativement amélioré par rapport à ceux précédemment élaborés par l’unité légale. Deux types d’innovation sont distingués : les innovations de produits (biens ou services) et de procédés (incluant les innovations d’organisation et de marketing).»
Nous pouvons retenir de cette définition que la nouveauté ou l’amélioration sont les deux critères qui désignent l’innovation. Qu’en est-il dans la réalité?

En 2013, un sondage Ipsos mentionnait que l’innovation au sein des organisations était confiée à 72 % aux fonctions Recherche & Développement, Qualité et Marketing. En effet, comme le précise Francis Boyer (3), lorsqu’il s’agit d’innovation, on pense en premier lieu aux innovations technologiques ou à la création de nouvelles offres.

 

D’ailleurs, le classement des entreprises innovantes est basé sur le nombre de brevets déposés, et en cela il est vrai, la France est le 3e pays le plus innovant au monde !

Selon le même sondage, si 85 % des dirigeants estimaient que l’innovation est primordiale pour rester compétitif, les entreprises n’y accordaient qu’environ 10 % de leur temps. Et si 54 % des collaborateurs suggéraient de nouvelles idées à leurs managers, seules 11 % d’entre elles étaient prises en considération.
Sans doute que depuis près de 10 ans, la question s’est déplacée, ce d’autant plus après la crise sanitaire, nous y reviendrons. Mais les évolutions qui ont traversé la société, l’avènement de la technologie, l’évolution des modes de communication et l’arrivée des générations Y et Z, avaient déjà encouragé les dirigeants à interroger leur mode de management.

 

I – LE VÉRITABLE PÉRIMÈTRE DE L’INNOVATION MANAGÉRIALE

Lorsqu’il est fait état d’innovation managériale, les évolutions portent avant tout sur l’organisation et les systèmes d’information. Les «principes collaboratifs» arrivent en dernière position, alors que comme le souligne F. Boyer (4), c’est très certainement dans cette direction que se situe la véritable (r) évolution du management. Lorsque nous travaillons auprès de nos clients, nous constatons souvent que ce qu’ils désignent comme étant de l’innovation managériale n’en est pas en réalité, car les actions qu’ils déploient ne sont pas correctement identifiées au regard des segments de l’organisation qu’elles concernent. Si l’on s’intéresse plus précisément à la place qu’occupe l’innovation dans le champ du management, sur l’ensemble des applications possibles où l’innovation est envisagée, il paraît primordial d’identifier s’il s’agit bien, justement, d’innovation managériale.

Pour ce faire, faites la distinction suivante :

  • Innovation organisationnelle : refonte d’un organigramme, gestion de projet, mise en place d’un système qualité, etc.
  • Innovation sociale : ce qui impacte les attentes des salariés (salle de sport ou de relaxation intra-entreprise, séances de yoga, réaménagement des espaces de travail, des horaires, etc.)
  • Innovation managériale : nouveaux outils managériaux, implantation de Shadow Comex (5), délégation, principes collaboratifs, etc.

Très souvent, les dirigeants confondent la nature de leur innovation et il n’est pas rare qu’ils désignent ainsi une action comme étant managériale, alors qu’elle concerne une nouveauté  organisationnelle. Cela étant, tout changement se manage.
Mettre en place une nouvelle organisation suppose de pouvoir l’animer, la faire vivre, œuvrer à ce que chacun s’en empare au mieux, car, finalement, le changement organisationnel est un levier devant permettre l’atteinte optimisée des objectifs que l’on se fixe. De la même manière, l’innovation sociale concourant à augmenter le bien-être des salariés et la qualité de vie au travail, s’inscrit donc dans la définition même du management.
Au sein du Groupe Mars, par exemple, favoriser les open-spaces ainsi que la colocalisation des cols blancs et des cols bleus (6) sont deux grandes règles. Il n’existe pas de bureaux, mais uniquement des plateaux où personne n’a de place attribuée (dans le but de favoriser les échanges entre fonctions). De même, la filiale aura toujours ses bureaux dans le même bâtiment que celui de l’usine : ainsi le manager général ainsi que son équipe peuvent assister aux réunions de production. La morphologie sociale des lieux de travail incarne donc en soi une stratégie et des pratiques  managériales.

Henry Mintzberg définissait d’ailleurs le management comme «les processus par lesquels ceux qui ont la responsabilité formelle de tout ou partie de l’organisation essayent de la diriger ou, du moins, de la guider dans ses activités »(7), ce qui en soit peut donc couvrir le prisme de tout type d’innovation.
Selon l’auteur, l’organisation se définit comme une action collective à la poursuite de la réalisation d’une mission commune, et la structure comme la somme totale des moyens employés pour diviser le travail en tâches distinctes et ensuite assurer la coordination nécessaire entre ces tâches. Comme pourrait le laisser penser cette définition, on considère souvent l’auteur comme un analyste des structures organisationnelles. Or, une bonne partie de son travail s’est attaché à définir et comprendre le rôle du management au sein des organisations.
Les «10 rôles du manager» de Mintzberg montrent que si l’action managériale est transversale, diffuse même, elle fait appel à des compétences bien précises.

  1. Rôle cadre symbole : soigner son image en interne comme en externe pour être en cohérence avec son statut, et particulièrement sa réputation. Le manager doit inspirer le respect attendu.
  2. Rôle du leader : l’écoute, l’empathie, l’utilisation de l’intelligence émotionnelle. Le leadership se travaille en cultivant les compétences qui font de nous un vrai leader, celle ou celui que  l’équipe suit avec enthousiasme et confiance.
  3. Rôle de l’agent de liaison : compétences en termes de management de réseaux de contacts.
  4. Rôle de l’observateur: sélectionner les sources, rechercher et organiser l’information pertinente, apprendre à qualifier la valeur d’une information.
  5. Rôle de diffuseur d’information : maîtriser les outils de partage d’information, savoir communiquer à l’écrit.
  6. Rôle du porte-parole : préparer et réussir des présentations face à une assemblée, talents d’orateur.
  7. Rôle de l’entrepreneur : maîtriser les techniques de créativité, utiliser les méthodes de résolution de problème, gérer le changement, élaborer un plan d’affaires, mettre en place un plan d’action.
  8. Rôle de régulateur : gérer des conflits, les résistances au changement, etc.
  9. Rôle de répartiteur de ressources : construire un plan d’affaires, savoir élaborer un budget, définir des priorités.
  10. Rôle de négociateur : savoir préparer et mener une négociation.

Comme on le constate, quel que soit le périmètre de l’innovation, le management sera indissociable de toute action qui sera initiée, en ce sens qu’il en deviendra le levier dynamique. Arriver à faire la différence entre les types d’innovation, revient donc à mieux conscientiser sur quelle partie de l’entreprise, de l’établissement, nous décidons d’agir.

II – LES PRATIQUES DE L’INNOVATION MANAGÉRIALE

Pour traiter la question de l’innovation managériale, nous nous concentrerons ici sur l’aspect le plus pragmatique que le terme peut revêtir. En effet, les intentions comme les longs discours ne  suffisent pas. Lorsque nos clients nous déclarent qu’ils s’engagent dans «le renouvellement» ou «la rénovation» de leurs pratiques, pour permettre aux salariés une «meilleure collaboration», pour augmenter la «qualité du climat social», pour «optimiser la communication», nous leur demandons systématiquement «comment
À cette question, les réponses fournies sont souvent très théoriques : «en favorisant l’échange», «en diffusant l’information», «en lissant les niveaux hiérarchiques» en «étant à l’écoute des  salariés», etc. Et systématiquement nous renouvelons notre question : «OK! mais comment ?»

L’exemple des Shadows Comex que nous citions plus haut est le témoignage de ce type d’innovation pragmatique, permettant de responsabiliser les employés (empowerment = donner la responsabilité tout en valorisant l’avis des gens) qui concourt aussi à une meilleure cohésion des équipes et une confiance renforcée dans la fonction managériale intermédiaire. L’innovation managériale doit donc se traduire dans les faits, dans les méthodes, dans les outils, dans du pragmatisme. Et c’est souvent par la connaissance des formes de management les plus diverses que l’on peut envisager le changement.
«Procédé nouveau ou significativement amélioré», nous dit l’INSEE. La nouveauté pourrait donc consister en l’introduction de nouvelles formes de travail, de nouvelles méthodes, de nouveaux outils, qui seraient empruntés à des méthodes managériales jusqu’alors déployées dans d’autres secteurs, voire qui auraient été conçus dans des univers bien étrangers aux nôtres.

Un exemple concret : Dans le secteur des ESSMS, la «réunion» est une institution. Regroupant rituellement dix ou quinze professionnels, systématiquement programmée aux mêmes jours de la semaine, et d’une durée moyenne de deux heures – au moins. Régulièrement, les équipes de Direction que nous accompagnons nous font part des difficultés de concentration des professionnels,  voire de ce qu’ils qualifient comme étant des attitudes dissipées, distraites, ou agaçantes, lorsque les professionnels en question pianotent sur leur téléphone de manière plus ou moins discrète !

À cette remarque, je réponds souvent, avec un soupçon de provocation, «êtes-vous sûrs qu’ils se sentent vraiment concernés par ce que vous dites ?»

Selon une enquête réalisée par TNS Sofres pour Bruneau, en janvier 2013, 65 % des Français estimaient que la moitié des réunions est inutile et 80 % affirmaient avoir déjà eu l’impression de  perdre leurs temps. Pour compenser l’ennui de nombre de réunions, 41 % des salariés déclaraient en profiter pour s’amuser et piquer un fou rire, 31 % préparaient la réunion suivante (surtout les cadres), 29 % des accrocs regardaient plus ou moins discrètement leurs e-mails ou échangeaient par SMS et 10 % avouaient s’assoupir et piquer une petite sieste.

Si ce désengagement des professionnels devient chronique, alors il est temps d’innover ! Avez-vous pensé aux «stand-up meeting»?

Aïe, un anglicisme! Essayons de passer outre. J’ai encore du mal à déclarer «avez-vous pensé aux réunions debout ?» Le stand-up meeting est un outil managérial directement issu du Management Agile, créé par et pour les start-ups qui ne pouvaient, de par leur organisation et leurs enjeux, se permettre de «perdre du temps» en réunion. Ces entreprises ont innové pour trouver un espace d’échanges privilégié avec les salariés, être au plus près des problèmes qu’ils rencontraient et leur proposer des solutions adaptées et individualisées. D’une durée maximale de 15 à 20 minutes, et rassemblant 3 à 4 professionnels, ce type de réunion quasi quotidienne ou bi-hebdomadaires, a pour autre vertu de gérer l’incertitude, d’augmenter la qualité de la communication, de  favoriser la cohésion, de réduire la distance hiérarchique entre salarié et manager, et de gagner en efficacité.
L’innovation dans l’innovation consiste à adapter ce type d’outil à la spécificité de l’établissement ou du service dans lequel il sera déployé. Libre ensuite au manager de conserver une fois par mois une réunion «grand format» qui permettra à l’équipe tout entière de se retrouver et d’échanger sur les points essentiels de leur activité ou qui ont traversé leur actualité.

L’innovation par l’implantation d’un outil Agile a donc comme intention de :

  • Placer les individus et leurs interactions au-devant des processus et des outils, prioriser une action plutôt que des heures de réunion
  • Cultiver la collaboration avec les salariés plutôt que le contrôle du respect des règles
  • Se concentrer sur l’adaptation au changement davantage que sur le suivi et le respect d’un plan

Il ne s’agit là que d’une illustration parmi beaucoup d’autres qui pourraient être citées, mais elle reflète bien le type d’innovation managériale qui peut être implantée sans pour autant  révolutionner un fonctionnement, mais bien dans le but d’enjamber une difficulté et de créer une nouvelle dynamique dans les interactions au profit de l’objectif à atteindre : une meilleure qualité  d’accompagnement des usagers par exemple.

III – LES CONDITIONS DE L’INNOVATION MANAGÉRIALE

Dans l’illustration précédente, l’innovation managériale se situe donc à un niveau relativement simple, bien que dans le secteur des ESSMS, par exemple, modifier les formats de réunions peut,  selon les cas, ressembler à une véritable révolution des mœurs, preuves en sont les résistances que ce type de changement a pu occasionner.
Mais parfois, la volonté d’innovation peut prendre des formes bien plus ambitieuses. Lorsque l’on demanda à Edwin Herbert Land, inventeur du procédé de photo instantanée Polaroid en 1947, ce qui l’avait conduit à cette innovation, sa réponse fut la suivante : « Innover, ce n’est pas avoir une nouvelle idée, mais arrêter d’avoir une vieille idée ».

Inspiré par cette déclaration, le Directeur Général d’une association de près de 600 salariés était venu me voir, il y a quelques années, en me disant la chose suivante. «Tout va bien, tout roule,  alors justement, c’est le moment de changer ! Propose-moi quelque chose, il faut qu’on innove avant que les gens s’endorment ! ».
La demande était ambitieuse. La proposition devait l’être tout autant.

Après un diagnostic de faisabilité, nous avons donc proposé de mettre en place une Team Organization. Une innovation à l’allure de révolution. Il s’agit là d’innovation organisationnelle, mais qui suppose que le management soit lui aussi profondément repensé. Si l’on devait résumer, la Team Organization, comme son nom l’indique, suppose de concevoir l’organisation en termes d’équipes autonomes dans leurs compétences et leurs missions, chaque professionnel pouvant avoir le Lead (être meneur) au regard de son expertise ou du projet qu’il souhaite engager et mener.
Le manager prend alors une position ressource, au service de chaque équipe et chaque professionnel, dans le déploiement de leurs projets et de leurs activités. L’organigramme devient circulaire.

L’innovation managériale consistait donc dans le renoncement des équipes de Direction à leur position purement hiérarchique. Le modèle n’était plus descendant, mais transversal, dans une dynamique de coopération. Les questions d’organisation, de contrôle et de sanction devaient se réinventer.
Afin d’en faciliter la mise en œuvre, nous avons opté pour une forme «allégée» de ce type d’innovation. Mais même la forme «allégée» supposait en soi une transformation profonde. Quasiment aucun cadre, aucune directrice, aucun directeur ne connaissait ce type d’organisation, et encore moins les formes managériales qui devaient l’accompagner.
Pour mettre en place ce projet, deux séminaires ont été organisés. L’un rassemblant toutes les directrices et tous les directeurs, le second tous les cadres, afin que chacun s’acculture au changement  qui leur était proposé. Au terme des deux séminaires, les contours du projet se sont plus nettement dessinés.
L’idée de départ était celle de la nouveauté, de l’innovation, la volonté de bousculer un peu les pratiques pour ne pas prendre le risque d’un enlisement dans des organisations qui ne seraient plus questionnées, ce qui pouvait constituer un risque réel pour le fonctionnement des établissements. Atteindre cet objectif devait donc s’accompagner d’un examen approfondi de la réalité, de la propension qu’avaient les uns et les autres à appréhender l’innovation, mais sans courir le danger d’une démobilisation, d’une résistance ou d’une opposition au changement tant ce dernier  pouvait être considéré comme menaçant. Il ne fallait pas prendre le risque de la paralysie.

Aussi, nous avons concentré nos efforts dans deux directions :

  • Etre capable d’appréhender les équipes dans leur capacité à être autonomes
  • Mettre en place un mode de management d’appui et de coopération plutôt que de contrôle

Un bon leader doit être capable d’accepter de perdre un peu de ses pouvoirs au profit des autres. Laisser les salariés mener les visites quand il y en a, les laisser présenter l’activité de leur secteur,  etc., autant de petites choses qui ne semblent rien, mais qui participent à la reconnaissance et renforcent l’image du manager. L’idée de départ a donc été moins ambitieuse dans sa mise en place, certes, mais beaucoup plus opératoire. Et finalement, l’objectif de rénover – pour ne pas dire «réveiller» – les pratiques a été largement atteint. Il s’agit donc là d’adapter l’innovation aux conditions dans lesquelles elles se déploient afin de ne pas menacer les équilibres, mais renforcer la motivation à adhérer à la nouveauté.

Lorsqu’il s’agit d’innovation, le «quoi qu’il en coûte» n’est pas un bon paradigme.

IV – LES ORIGINES DE L’INNOVATION MANAGÉRIALE

Comme nous venons de le voir, l’innovation peut avoir bien des sources, dont celle, toute simple, de souhaiter rompre avec un fonctionnement routinier. Mais les origines des innovations  managériales sont multiples. Au cours de ces dernières années, le Lean Management et l’Agility Management ont été deux des principales innovations managériales les plus remarquables. Nous  avons déjà évoqué le management Agile.
L’origine du Lean Management se trouve au Japon, dans les années 50. Le pays est alors lourdement touché par les conséquences de la Seconde Guerre. L’entreprise Toyota ne peut rivaliser avec les grands constructeurs automobiles internationaux et se doit de repenser son système de production et de management si elle veut survivre. Elle invente le Toyota Production System, qui se base sur l’automatisation, une plus grande autonomie des salariés n’ayant plus à surveiller continuellement la machine et donc ne plus en être «l’esclave», une organisation beaucoup moins pyramidale que ce qu’elle était, et une mise sur l’intelligence collective dans le management. Il s’agit de repenser l’entreprise selon une toute nouvelle philosophie qui doit être incarnée par chaque salarié.
L’entreprise renaît de ses cendres.

Dans les années 80, les constructeurs européens en prise aux mêmes difficultés s’intéressent à ce modèle, rebaptisé Lean Management, ce qui signifie littéralement «Management Maigre»,  «dépoussiéré», celui qui permet de ne pas perdre de temps à des activités jugées inutiles. À partir des années 90, le Lean Management se répand hors des activités traditionnelles de l’Industrie  pour s’étendre au sein du management des fonctions support et administratives des entreprises, jusqu’aux entreprises de services telles que les banques et les assurances. On parle alors de Lean Office ou Lean Services. En France, il existe même l’Institut Lean France, qui traduit et publie les ouvrages de référence, organise des conférences et des formations pour favoriser le partage d’expérience entre les praticiens Lean.
Comme on le voit, ce qui a initié le véritable changement, la véritable innovation, se situe ici dans une nécessité de survie. Le modèle ayant ensuite fait ses preuves, il a été importé dans d’autres entreprises ce qui a en soi constitué une innovation puisqu’il a modifié en profondeur la manière d’appréhender les organisations et le management.
Lorsque vous évoquez aujourd’hui dans vos structures «l’intelligence collective», vous faites (presque) du Lean Management ! Si l’on examine les origines des innovations managériales, nous pouvons donc considérer qu’elles sont multiples, mais elles ont toujours un dénominateur commun : elles sont initiées par une/un dirigeant lui-même animé par des convictions multiples.
L’origine la plus souvent citée, lorsqu’il s’agit d’innovation managériale, réside dans l’inadéquation entre besoins de l’organisation et mode de management.
En effet, les modes de management traditionnels ne permettent pas d’évoluer dans un environnement dépendant de fluctuations régulières, rapides et imprévisibles (8).

L’arrivée des nouvelles générations de salariés a d’ailleurs montré les limites du management traditionnel et a obligé les dirigeants à modifier leurs pratiques.  Tout changement managérial, et  toute modification des techniques utilisées doivent donc correspondre à un contexte et un environnement, et non pas simplement à un coup de tête L’un des outils, pour ne pas dire «modèle  d’analyse», permettant de s’interroger sur le niveau d’adéquation entre le modèle de management utilisé et d’évaluer l’opportunité de le faire évoluer pour que l’organisation soit mieux
adaptée à son nouvel environnement est le modèle V.U.C.A. (Volatility, Uncertainty, Complexity et Ambiguity).

  • Volatilité. Un exemple est le marché du transport automobile de voyageurs, autrefois du seul ressort des compagnies de Taxi. Ce marché a profondément et rapidement été transformé avec  l’apparition des VTC (Uber) puis du co-voiturage (BlaBlacar) et, plus récemment, la location de véhicules entre particuliers (Ouicar).
  • Incertitude. Les grandes métropoles étaient incapables de prévoir l’arrivée des trottinettes et des vélos électriques, qui ont bouleversé la circulation routière
  • Complexité. Le mouvement des «gilets jaunes» fut extrêmement complexe à gérer par le gouvernement, car il n’avait pas de leader. Et lorsque certains pouvaient être reconnus, ils étaient rapidement «limogés» par les adhérents au mouvement. Difficile de négocier avec des milliers de Français
  • Ambiguïté. Les réseaux sociaux et les nouvelles technologies ont pu rapprocher les gens, mais ont aussi eu pour effet de les éloigner (on entend fréquemment en entreprise des personnes reprocher à certains de leurs collègues de communiquer par mail alors qu’ils sont à un mètre de distance).

Admettre que tout environnement est Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu, c’est comprendre que la nécessité d’innovation réside dans l’anticipation de tout changement.

Les autres origines de l’innovation managériale sont diverses :

  • Le mimétisme ou l’inspiration : découvrir un nouveau mode de management qui fonctionne ailleurs et décider de le déployer.
  • L’effet de mode : mise en place du management Agile, parce que c’est celui dont on parle le plus.
  • La pression sociale : innover parce que tout le monde parle d’innovation et que le changement, peu importe son objet, justifie à montrer que l’on innove.

L’une des innovations les plus remarquables se situe dans le déploiement généralisé du télétravail, consécutif à la pandémie Covid19. Dans de nombreux secteurs, dont celui des ESSMS, le télétravail n’avait jamais été envisagé, et celles et ceux qui se risquaient à l’évoquer s’exposaient parfois à de très virulentes critiques. Aujourd’hui, il fait l’objet d’accord d’entreprise et est considéré comme un mode d’organisation du travail parmi d’autres. Il s’agit donc d’innovation organisationnelle. Mais la plus grande difficulté a été pour les cadres et les équipes dirigeantes de déployer un «management à distance» pour lequel ils n’avaient pour la plupart jamais été formés. L’innovation organisationnelle a dû s’accompagner d’innovation managériale. Les deux ayant pour origine une situation totalement imprévisible.

La capacité à s’adapter, que ce soit pour les salariés ou pour les équipes d’encadrement, a été largement démontrée.

Après un démarrage chaotique, le rythme a été trouvé, et les erreurs managériales ont été progressivement corrigées. Cette période a été une excellente démonstration de la difficulté à appréhender de nouvelles pratiques, qui le cas échéant étaient impossibles à anticiper. Il s’agit donc d’innovation contrainte, mais dont les effets ont pu être capitalisés pour devenir une forme de travail et de management presque banalisés.
Mais dans ce cas, quel est le sens du télétravail aujourd’hui ? Comment interroger et analyser cette pratique commune alors que l’État n’y contraint plus les employeurs depuis le 1er septembre 2021 ?

V – INNOVATION MANAGÉRIALE ET SENS DU TRAVAIL : UNE RELATION CONTEXTUELLE

En ce qui concerne le télétravail, les effets positifs qui avaient déjà été démontrés depuis de nombreuses années ne se sont pas démentis. En 2018 (9), soit un an avant la crise Covid19, l’Obergo  (OBservatoire du télétravail, des conditions de travail et de l’ERGOstressie), publie le résultat d’une enquête sur les principaux effets du télétravail pour les salariés. Plus de huit télétravailleurs sur dix notent en particulier des améliorations sur leur qualité de vie personnelle et familiale et sur la répartition « temps professionnels/sociaux/familiaux/personnels», directement liées à la disparition du temps de trajet du soir.
L’absence de trajet ces mêmes jours se traduit également, dans les mêmes proportions, par une diminution de la fatigue physique et du stress liés aux transports et des conséquences positives sur la santé des télétravailleurs. En substance, les conclusions de l’enquête montrent les résultats suivants (10) :

  • Le télétravail est à consommer sans hésitation, mais avec modération et précautions. L’enquête fait apparaître que les impacts positifs sont largement supérieurs aux impacts négatifs.
  • Les impacts négatifs apparaissent surtout pour les durées de télétravail supérieures à 2 jours par semaine.
  • Plus de huit télétravailleurs sur dix notent une amélioration de la qualité de leur travail et de leur productivité. En effet, ils sont moins interrompus pendant leur activité, disposent de conditions plus propices à la concentration et remplacent fréquemment le temps de trajet par un démarrage plus matinal de leur journée de travail.

 

L’enquête confirme que les effets négatifs pour les salariés, dont l’augmentation de la charge et du temps de travail, sont plus notables quand le télétravail dépasse deux jours par semaine.

Pour la protection de la santé physique et mentale des télétravailleurs, il est donc recommandé de fixer des règles strictes, de cadrer cette modalité d’organisation et de formaliser par écrit ces dispositions, même en cas d’absence d’accord collectif ou de charte. Ces données témoignent de l’importance de la mise en place de cette nouvelle forme de travail «délocalisée» et de son impact sur la qualité de vie des salariés et sur celle du travail. Avec un management adapté, ce serait donc l’une des innovations que l’on pourrait retenir, et qui au regard de ces effets positifs pourrait
être considérée comme un élément concourant à l’augmentation du «sens du travail» pour les salariés.
Mais la généralisation du télétravail, ou le déploiement de l’innovation managériale ne se relient pas si facilement à la notion de «sens du travail», et le faire constituerait même une grossière erreur. En effet, le «sens du travail» n’est pas une déclaration absolue et homogène de laquelle chaque individu se saisirait en y mettant le même contenu.
«Le travail permet d’assurer la subsistance et des conditions de vie décentes, c’est certain, mais ce n’est pas là son seul intérêt. Il est avant tout une activité par laquelle une personne s’insère dans le monde, exerce ses talents, se définit, actualise son potentiel et crée de la valeur, qui lui donne, en retour, un sentiment d’accomplissement et d’efficacité, voire peut-être un sens à sa vie (…) Parce que le travail permet à la personne de produire des résultats qui lui sont singuliers, parce que ses produits sont utiles, servent à quelque chose, il permet à la personne de faire la preuve de son existence, de se reconnaître et d’être reconnue». (11)

En psychologie, le sens se rapporte essentiellement à l’expérience de cohérence, de cohésion, d’équilibre, voire de plénitude. Le sens est aussi associé à la raison d’être et de vivre, à la vocation (12).
Le schéma proposé par Estelle Morin illustre cette définition.

Sens du travail =

  • La signification du travail, les représentations du travail, la valeur du travail aux yeux du sujet
  • La direction, l’orientation du sujet dans son travail, ce qu’il recherche dans le travail et les desseins qui guident ses actions
  • L’effet de cohérence entre le sujet et le travail qu’il accomplit, entre ses attentes, ses valeurs et les gestes qu’il exécute quotidiennement dans le milieu de travail

Comment affirmer que la signification, l’orientation du sujet, les éléments de cohérence qui interviennent entre le sujet et son travail soient les mêmes pour tous ? Tout l’Art du management réside sur ce point. Ne pas manager un collectif, mais des individualités, qui vont trouver dans le travail un sens qui leur est propre, selon des déterminants bien spécifiques.
Les facteurs de motivation sont l’illustration précise de cette nécessaire individualisation.

Il est communément admis que la motivation des salariés repose sur trois facteurs :

  • la rémunération qu’ils obtiennent pour le travail effectué
  • l’adhésion à la mission et aux objectifs qui sont confiés
  • le contexte et l’ambiance dans lesquels ils travaillent (culture d’entreprise)

Mais à ces trois facteurs qui permettraient d’envisager les grandes lignes d’un mode management efficace, on sait que s’ajoutent la situation personnelle du salarié (âge, ancienneté, santé, environnement, situation familiale…) et sa personnalité. Pour chacun d’entre eux, le sens du travail va donc revêtir une forme bien particulière.

Une équipe de professionnels ne s’envisage pas de manière monolithique.

Il est donc opportun de concentrer son effort managérial sur des actions veillant à garantir ce que l’ensemble des salariés semblent rechercher sur leur lieu de travail : un climat social favorable,  une bonne communication, des interactions de qualité, la valorisation des actions et des compétences, l’équité, la prise en compte des individualités et des points de vue. À ces axes de travail  s’ajoute donc la création d’une relation singulière avec chacun, qui permettra d’ajuster les actions au regard de leurs besoins spécifiques. Pour certains, la reconnaissance sera un levier puissant,  pour d’autres l’implication dans des projets, pour d’autres encore la rassurance d’activités routinières.
L’explication suivante, issue d’une recherche menée par Estelle Morin en continuité des données précédemment présentées, montre les caractéristiques d’un travail qui est porteur de sens aux yeux des salariés.

Caractéristiques du travail 

  • Utilité sociale du travail : Faire quelque chose qui est utile aux autres ou à la société, qui apporte une contribution à la société
  • Rectitude morale du travail : Faire un travail moralement justifiable, autant dans son accomplissement que dans les résultats qu’il engendre
  • Occasions d’apprentissage et de développement : Faire un travail qui correspond à ses compétences, qui stimule le développement de son potentiel et qui permet d’atteindre ses objectifs
  • Autonomie : Pouvoir exercer ses compétences et son jugement pour résoudre des problèmes et prendre des décisions qui concernent son travail
  • Qualité des relations : Faire un travail qui permet d’avoir des contacts intéressants et de bonnes relations avec ses collègues

L’innovation managériale sera donc à convoquer si vous faites le constat de l’inefficacité de votre management quant à l’atteinte de ces objectifs et d’une mauvaise exécution des missions qui sont confiées.

CONCLUSION : ÉVOLUTION MANAGÉRIALE OU INNOVATION MANAGÉRIALE ?

L’évolution peut se définir comme étant un processus de transformation, de changement. Le mot semble très approchant de la définition de «l’innovation». Mais cette proximité sémantique ne suffit pas à appréhender les deux termes comme des synonymes. En effet, l’innovation managériale doit s’envisager comme étant la conséquence d’une évolution, qu’elle porte sur le  fonctionnement (ou le dysfonctionnement) d’une organisation, d’une activité, d’un marché, d’un public, des salariés.
Ces dernières années ont connu un ensemble d’évolutions sociales qui ont marqué plus ou moins profondément la société et qui se sont logiquement déportées au sein des organisations.

En 2019, l’INSEE publiait son rapport annuel «France, Portrait social», s’appuyant sur l’ensemble des données recueillies depuis le milieu des années 1970. Ce rapport permet de s’approprier quelques pistes empiriquement observées permettant de comprendre l’évolution de la société française.
Maternité de plus en plus tardive, baisse du niveau de vie des familles monoparentales, augmentation du souhait de transformation de la société, famille de moins en moins considérée comme seule source de bien-être au profit des loisirs, du travail et des amis, etc.

À ces évolutions, s’ajoutent l’apparition des nouvelles formes d’entrepreneuriat et du rapport au travail (apparition de l’auto-entrepreneuriat, mandataires judiciaires en libéral), l’utilisation généralisée des nouvelles technologies, l’aire du numérique, de la digitalisation, et de l’abondance technologique, les nouvelles conceptions des espaces de travail (co-working, open office), la flexibilité des horaires, le rapport à la hiérarchie et à l’autorité, etc.
Comment ne pas considérer que ces évolutions n’impactent pas nécessairement l’univers du travail, et par conséquent, le management ? Pouvait-on imaginer il y a quelques années parler de Lean Management, Management Agile, ou Neuromanagement dans le secteur des ESSMS ? L’innovation managériale ne serait-elle pas tout simplement une évolution du management ?
Manager aujourd’hui relève d’une aventure complexe. Atteindre un bon niveau de satisfaction des professionnels et garantir leur engagement et la qualité de leur travail recouvrent des missions protéiformes nous l’avons compris. Il serait donc dommage de se conformer à des pratiques/connaissances un peu sédimentées, souvent les seules qui ont été transmises par le biais des  formations initiales. Elles ne permettent pas d’envisager la diversité des outils et des méthodes qui existent aujourd’hui, et qui sont développés dans d’autres secteurs, parfois très éloignés des nôtres.
De plus, nous l’avons constaté au cours de nos missions, à cette méconnaissance de la diversité des méthodes, certains dirigeants révèlent ne pas s’autoriser à les envisager, pensant que leur implantation serait trop difficile ou trop audacieuse. L’idée n’est pas de faire un «copier/coller» de ce qui se fait dans d’autres secteurs professionnels, mais bien de s’interroger sur la possibilité d’emprunter certains outils et de les adapter pour donner une réponse favorable – et innovante – aux problématiques rencontrées.
Modifier sa posture et ses pratiques managériales reviendrait donc à s’interroger sur les évolutions qui traversent les organisations, et qui pourraient être à la base d’une dynamique d’innovation.
Les professionnels se sentent-ils toujours en confiance ? Ont-ils besoin de davantage de responsabilité? D’autonomie? Les pratiques jusqu’ici déployées sont-elles toujours aussi motivantes? Quel est le niveau de qualité de vie au travail? Souffrons-nous d’un turn-over trop important? Qu’est-ce qui nous empêche d’être davantage audacieux, créatifs? Etc.

Selon les réponses obtenues à ces questions, soulevant la nécessité d’adaptation régulière aux changements qui traversent l’écosystème de toute organisation, vous saurez s’il est temps de faire évoluer vos pratiques en impulsant de véritables actions d’innovation managériale.

 

Sources

(1) Hamel, G., La fin du management – Inventons les règles de demain, Vuibert, 2008

(2) IINSEE, Les entreprises en France, coll. INSEE Référence, 2019, p. 140. Les deux catégories d’innovation sont conformes aux concepts définis dans la 4e édition du manuel d’Oslo. L’enquête capacité à innover et stratégie (CIS) se base sur ce dernier, et est harmonisée au niveau européen.

(3) Boyer, F., Innovation managériale en action, Eyrolles, 2020.

(4) Ibid.

(5) Littéralement «comité exécutif de l’ombre». C’est un concept qui consiste à laisser la parole aux jeunes cadres des organisations pour insuffler des décisions innovantes concernant la stratégie  de l’entreprise. Dans certaines d’entre elles, ces instances permettent de réconcilier la théorie (une stratégie) et la réalité (l’exécution de la stratégie). C’est donc bien un moyen pertinent d’avoir un retour non seulement sur la vie de l’entreprise, mais également l’exécution des grandes lignes stratégiques. En découlent des modulations de la stratégie, et les adaptations attendues par les salariés.

(6) Les «cols blancs» désignent les professionnels qui travaillent dans les bureaux, à des places plus ou moins stratégiques et décisionnelles alors que les cols bleus désignent traditionnellement
les ouvriers, les professionnels de terrain.

(7) Mintzberg, H., Le management – Voyage au centre des organisations, Eyrolles, 1989

(8) Voir le modèle d’analyse V.U.C.A.

(9) Le même type d’enquête avait été mené en 2010, 2012, 2013 et 2015

(10) OBERGO – Enquête «Impacts du télétravail 2018» – version du 16 mai 2018 – p.3

(11) Morin, E. et Forest, J., «Promouvoir la santé mentale au travail : donner un sens au travail», in Revue Gestion, volume 32, numéro 2, 2007

(12) Frankl, V., Découvrir un sens à sa vie, Les éditions de l’Homme (première édition 1969), 2021.

(13) Issu des neurosciences, de la psychologie cognitive, de la neuropsychologie cognitive et de l’imagerie cérébrale qui ont permis de montrer une corrélation entre mal-être au travail et activité  cérébrale, avec pour objectif de limiter le stress au travail en créant une meilleure ambiance de travail, en améliorant le bien-être de chaque collaborateur et en favorisant la créativité.

Innovations dans l’entreprise et management positif

Management positif et leadership

Le leadership est une qualité nécessaire à l’exercice du management. Pourtant il est parfois mal évalué. Les entreprises sous-estiment le leadership de certaines personnes dans leurs équipes, ce qui peut favoriser l’émergence de contre-pouvoirs. Le bon repérage du leadership est un levier qui peut faire grandir la compétence globale de l’entreprise.

Comment définir le leadership ?

Le leadership doit être une dynamique positive et pas un exercice du pouvoir. L’exercice du pouvoir s’exerce quoi qu’il en soit à travers une autorité hiérarchique. Le leadership est une autorité naturellement admise qui ne nécessite pas d’avoir recours à un statut.

La sérendipité fait-elle partie des approches de votre travail ?

La sérendipité est un terme  technique, un vocabulaire de chercheur qui n’est pas en soi utilisé par les entreprises. C’est un processus permettant de découvrir des phénomènes « par hasard »,  ce qui ensuite autorise les entreprises à capitaliser la découverte et à l’intégrer dans l’expérience. Philippe Gabilliet nous explique que c’est la sérendipité qui a été l’occasion de découvrir que plus on est positif dans une entreprise, mieux cela fonctionnait. C’est ce qu’il faut donc retenir : l’approche positive du management, la faculté de proposer une gestion des ressources humaines qui laisse le droit de faire, de proposer, d’oser est l’une des voies d’accès à la réussite de l’entreprise.

Comment pratiquer le management positif ?

Par la valorisation de ce qui est fait par chacun en première intention. Je recherche ce qui se passe bien dans une organisation et j’essaye de comprendre les logiques des individus, pour partir d’eux-mêmes et en situation. C’est le cas par exemple dans le management générationnel. Dans ce cas, le management positif nécessite de se saisir du cadre de référence de la génération dont les salariés d’une équipe sont issus et quels sont les leviers de coopération qui peuvent être activés, au lieu de forcer les collaborateurs à entrer dans un cadre qui n’est pas le leur.

L’enthousiasme exprimé par Philippe Gabillet, professeur de leadership à l’ESCP Europe dans la vidéo qui suit, illustre très bien le sentiment que je partage dans mon travail de conseil, d’expertise et de coaching. L’enthousiasme est un état d’esprit, une posture qui alimente le courant du « bien être au travail », un esprit positif qui participe activement au fait que le travail ne doit plus être un lieu de contrainte et de violence symbolique. Le résultat obtenu auprès des personnes accompagnées, notamment dans l’amélioration des comportements et des relations dans l’entreprise est un moteur de satisfaction dans mon investissement quotidien auprès des organisations.

Séminaire d’entreprise : Un outil managérial efficace

Séminaire d’entreprise : Pourquoi faire ?

Pourquoi interroger la notion de hiérarchie et l’organisation managériale au cours d’un séminaire d’entreprise ?

Posez-vous la bonne question : comment faire adhérer mes collaborateurs aux orientations de l’entreprise et accroître leur motivation ? C’est la base du management. Vous en faites quotidiennement.

Le Séminaire d’entreprise est pourtant l’occasion de faire passer de nouveaux messages, d’insuffler une véritable dynamique.

Séminaire d’entreprise : Un outil managérial

A destination de tous les professionnels de l’entreprise, il permet de développer le fameux esprit « corporate », l’adhésion des collaborateurs, l’appartenance.

Dans ce séminaire, nous avons fait le choix d’appréhender un modèle inédit de management en métissant le Lean management japonais et le modèle « Team organization » allemand ! Quelle ambition ! Mais l’efficacité est au rendez-vous.

Séminaire d’entreprise : Où et comment ?

Notre expérience nous a conduit dans des environnements bien différents ! Au bord de la mer dans de luxueux hôtels, au sein du cadre verdoyant des Golf Club, au calme de la campagne pour un esprit écolo-relaxant, ou encore passer 4 jours sur des voiliers !

Le choix du lieu, le choix du mode d’accueil, ne doit rien au hasard. Il correspond à un état d’esprit, à l’image de l’entreprise, aux objectifs que l’on veut atteindre, et qui peuvent être nombreux et très divers !

Séminaire d’entreprise : Avec qui ?

Le séminaire d’entreprise est une entrée qui  permet d’anticiper les résistances au changement,  d’ancrer le contexte moral et philosophique de l’entreprise, de comprendre les orientations de l’entreprise.

Et ne l’oublions pas, le séminaire c’est également un lieu, un temps, de convivialité, d’échanges, d’informel, qui crée du lien et facilite les relations.  Un outil d’une redoutable efficacité ! Mais à ne pas confier à n’importe qui !

Nous sommes à vos côtés ! Profitez de notre expérience et de notre maîtrise de ce type d’évènement qui doit parfaitement correspondre à votre stratégie managériale.

Colette Doumenc

Le Management en Etablissement social et médico-social

L’évolution du Management dans les ESSMS

L’utilisation du terme «management» dans le champ social et médico-social est souvent à l’origine de crispations. Il évoque pour les acteurs du secteur un sens essentiellement symbolique, chargé de représentations multiples issues du monde de l’entreprise, dont les fonctionnements ne leur paraissent pas pouvoir être apparentés à leur activité ni aux valeurs qui les portent. Pourtant, et puisque ces journées sont en partie dédiées à l’innovation, c’est-à-dire à la recherche du changement et de l’amélioration, nous allons traiter cette notion du management de manière innovante, et l’envisager, justement, sous l’angle des valeurs.

Au cours des trente dernières années, le management a essentiellement été traité de manière technique, appréhendé comme compétence professionnelle qui s’édifie autour de pratiques reposant elles-mêmes sur la connaissance d’un certain nombre d’outils. Si le management en tant que discipline enseignée, a progressivement investi les formations de type CAFDES ou CAFERUIS, j’ai pu constater, pour avoir été sollicitée à dispenser ces cours, que les contenus attendus demeuraient comme sclérosés dans cette vision du management ne pouvant être pratiqué en dehors du refuge confortable de la technicité comme forme de légitimation de la compétence. Le secteur des ESSMS (Établissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux), pourtant frileux à l’idée de se saisir des théories et de la pratique du management, cédait lui aussi à la dimension la plus aliénante du management, en ce sens que réduire une pratique à l’utilisation d’outils s’avère profondément inopérant lorsqu’il s’agit d’hommes et de femmes au travail. Le « management par les valeurs » est une approche assez récente. Si je fais partie de ceux qui travaillent cet axe spécifique, je construirai cette présentation en prenant appui sur les travaux engagés et validés par différents chercheurs, et dont les résultats nous montrent à quel point la qualité des interactions et les valeurs intégrées au management agissent positivement sur l’individu au travail.

 Le management par les valeurs

On dit que le management par les valeurs se situe dans l’interpersonnel et qu’il joue beaucoup sur la confiance. Le problème que pose cette question de la confiance s’inscrit dans la difficulté à la construire, l’élaborer et la constater empiriquement. Il est admis « qu’être digne de confiance » signifie être à la fois compétent, bienveillant et intègre. Mais comment évalue-t-on la bienveillance et l’intégrité ? Une étude récente explique que la majorité des dirigeants se considèrent intègres, et le sont dans les faits éprouvés par les chercheurs, mais que seuls 30% de leurs salariés le pensent. Le management par les valeurs doit donc se concrétiser par des actes et ne pas demeurer simplement sous l’angle du discours, au risque de galvauder encore davantage cette notion de valeurs dont en entend beaucoup parler, en imaginant qu’elle constitue un signifiant universel. Il n’est pas question ici de reprendre l’ensemble des définitions du concept de valeur, qui selon les disciplines, et parfois même à l’intérieur de celles-ci, sont nombreuses. Dans le champ qui nous occupe aujourd’hui, nous nous accorderons donc à retenir celle-ci : les valeurs sont à l’origine des lois, des règles, des normes [appropriation collective de valeur], des conventions et des coutumes qui régissent les groupes et les relations entre les individus qui les composent (Brée, 1994). Nous les appréhenderons selon le postulat suivant : Adhésion des individus à des objectifs permettant de satisfaire des intérêts appartenant à des domaines motivationnels et ayant une importance plus ou moins grande dans la vie de tous les jours (Schwartz et Bilsky, 1987). Ce qui nous intéresse sera donc de s’interroger sur la manière dont ces valeurs sont mises au travail dans les pratiques et sont engagées auprès des professionnels.

 Le management par l’empathie

Au regard du temps imparti, il m’était impossible de traiter l’ensemble des valeurs associées au management, j’ai donc décidé d’en présenter l’une des dimensions : le management par l’empathie. Les termes d’empathie et de management sont rarement associés, voire pourraient être considérés par certains comme quasiment antinomiques. Pourtant, depuis 1920 la question de l’humain a été intégrée au cœur des réflexions managé ria les, notamment grâce aux recherches de M. Parker Follet, travaux poursuivis par Elton Mayo intégrant la psychologie à la réflexion de l’opérationnalité managériale avec la prise en compte de l’effet Hawthorne (effet psychologique d’être l’objet d’une attention spéciale qui augmente la motivation des individus).

Le rôle du manager ne se réduit donc pas, comme il en a été question pendant des dizaines d’années, à être un gestionnaire occupant un rôle interpersonnel, informationnel et décisionnel (Mintzberg) devant administrer (gérer) c’est-à-dire prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler l’activité (Fayol). Pour autant, il semble qu’un glissement se soit opéré, et que d’une intention d’intégration de la qualité relationnelle centrée sur l’acteur, on se soit progressivement fourvoyés, et/ou réfugiés, vers une ultra technicisation, ne permettant plus au manager de s’extraire de compétences prisonnières d’outils survalorisés (ex : le diagramme d’lshikawa) lui permettant de se camoufler (se protéger ?) de toute forme sensible et émotionnelle à l’intérieur des relations au travail. Le management par les valeurs, et en l’occurrence par l’empathie, c’est justement être en capacité de réinjecter ces dimensions sensibles à l’intérieur des relations professionnelles, ce qui évoque une interrogation préalable : tout le monde possède-t-il la capacité de pratiquer ce type de management ? Tous les tempéraments, toutes les personnalités, vont-ils avoir une propension à manager par les valeurs? Peut-être pas. Nous possédons des exemples autour de nous de managers qui n’en démontrent pas les capacités, ni même l’intention, ce qui règle définitivement le débat. Innover par la pratique du management par les valeurs ne serait donc pas une pratique spontanée, mais davantage un engagement. Manager par les valeurs est un choix argumenté.

Les attendus des managés

Si l’on en croit les résultats de chercheurs ayant exploré la question, l’empathie et la compassion s’avèrent pourtant d’excellents supports dans le travail et dans la gestion des hommes et des organisations. On dit que manager, et manager par les valeurs en particulier, constitue un bon dosage entre des personnalités affirmées, confiantes en soi et ouvertes d’esprit. Il y a quelques années, une étude avait d’ailleurs démontré que la plupart des salariés préfèrent un supérieur dur de caractère, mais juste et compétent, à un amateur sympathique. Dans cette enquête les salariés ont également été sondés sur les 10 qualités qu’ils attendaient de leur dirigeant ; la première qualité citée a été « être juste », la deuxième: « avoir le sens de l’humour ». Nous voyons ici les limites de cette technicité du management dont il est question depuis 30 ans : on ne peut pas former un manager au « Sens de L’Humour » !

Un responsable qui sache animer une réunion de façon supra-technique ou qui maîtrise parfaitement le diagramme de Gantt ou le trépied de la légitimité dans sa pratique managériale, ne suffira donc pas à garantir une véritable qualité de son action. Ce que l’on attend de lui c’est avant tout, et tout simplement qu’il soit humain. Remettre de l’humain au centre de la réflexion managériale, il était temps… Par contre, parler d’humain, et d’humanisation de la relation au travail, ne signifie par de réduire subitement les interactions à l’usage et l’appréhension des sentiments et des émotions, que l’on qualifierait rapidement de « positive ». Empathique ne signifie pas nécessairement sympathique. L’empathie n’est pas de la sympathie. La sympathie est une imitation émotionnelle, un penchant naturel. L’empathie est un sentiment partagé avec autrui. Dans la pensée collective, on réduit souvent l’empathie à la capacité de se mettre à la place de l’autre afin de comprendre ce qu’il ressent, de vivre sa situation et de ressentir ses émotions. C’est une énorme erreur, une trop forte ambition, voire un excès de prétention. L’empathie c’est arriver à appréhender la réalité de l’autre, en s’émancipant de notre propre réalité, de notre rapport au monde: de notre logique, de notre rationalité. Essayer de pénétrer la réalité de l’autre, avec humilité et bienveillance. Comment l’Autre se situe dans l’environnement qui est le sien ? Un manager empathique se doit donc de développer l’écoute bienveillante et chercher à comprendre le point de vue, la position de l’autre et à adapter ses attitudes et ses comportements à l’égard de ce dernier dans un système d’interaction.

Manager par l’empathie : comprendre qu’autrui est un Autre

le management par l’empathie ne signifie donc pas de tenter de projeter sur les membres de notre équipe nos propres fantasmes : Comment ai-je envie que tu réagisses? De quelle manière je souhaite que tu pratiques ton travail ? Comment aimerais-je que tu sois ? Comment, moi, j’aurais réagi à telle situation ?

Le risque est donc bien réel d’une mauvaise projection de soi, qui engendrerait l’effet inverse de celui normalement produit par le management par l’empathie. Certains managers, pensant être empathiques, et soutenant, deviennent pourtant des mandarins mués par le souhait inconscient, et sensiblement teinté d’orgueil, de fabriquer un double de ce qu’ils sont, leur clone, leur héritier naturel. Or, le problème se pose lorsque l’héritier grandit, prend de la place et s’affirme dans ce qu’il est fondamentalement. Il nous ressemble, mais peut être trop, et parfois il fait mieux que nous, il devient encombrant, et ce que l’on croyait empathie se révèle comme ayant été un rapport de pouvoir, tout à coup fragilisé par l’autonomie de celui sur lequel on l’a exercé.

Manager par l’empathie signifie également d’admettre que tous les acteurs peuvent déployer des stratégies personnelles, ce que les théories des organisations ont démontré notamment par le biais des travaux de Michel Crozier. Ces stratégies personnelles peuvent parfaitement s’intégrer à des stratégies collectives ; manager par l’empathie permet de les identifier, de les comprendre, et de mettre les actions en œuvre qui permettront d’éviter que ces stratégies personnelles se développent en concurrence des stratégies collectives des organisations.

 Empathie et compassion dans le management : l’apport des neurosciences

Ce qui a souvent été un obstacle au développement du management par les valeurs est que les gestionnaires et les managers ont très longtemps pensé qu’exercer une pression sur leurs salariés permettrait d’augmenter la qualité de leur travail et leurs performances. Toutes les recherches actuelles démontrent finalement le contraire, c’est-à-dire que le meilleur appui à la collaboration est au contraire cette humanité, cette relation à l’autre, cette interaction de qualité qui va pouvoir être engagée.

Des chercheurs des « sciences dures » se sont depuis une dizaine d’années intéressés à des questions qui habituellement traversent les sciences humaines. Ce que nous avions déjà travaillé bénéficie ainsi aujourd’hui de la démonstration par la preuve. Nous avons ouvert le terrain, ils l’ont investi, et ont la confirmation rationnelle de ce que nous démontrions par d’autres méthodes, ce qui demeure un bel exemple de transversalité scientifique. L’étude de l’empathie, de la compassion et de

leur transposition dans les organisations de travail est donc aujourd’hui pluridisciplinaire, et s’émancipe d’un entre-soi disciplinaire au profit d’une conjonction de résultats issus de travaux émanant de psychiatres, de psychanalystes, de chirurgiens, de neuroscientifiques, etc.

Parmi ces chercheurs, beaucoup de travaux sur les organisations ont été déployés par Emma Seppala et Tania Singer : comment les émotions, l’empathie, la compassion, se meuvent dans les interactions ? Les résultats de ces travaux de recherche nous offrent diverses perspectives applicables au management.

Ne pas être distant, mais être distinct. Cette question-là prend tout son sens dans le champ social, médico-social, et sanitaire ; trouver la juste distance dans la pratique avec l’usager, avec sa famille, se prémunir de tout risque d’épuisement émotionnel, d’usure, etc. Dans l’approche du management par l’empathie et la compassion cette entrée sur la distinction sera donc à travailler dans les processus d’ interaction avec les équipes et les salariés individuellement. Manager en n’étant pas distant, mais distinct, favorisant la proxémie, c’est-à-dire appréhender l’autre dans ce qu’il est, ressemblant et différent de soi. La conscience de l’autre par la conscience de soi. Cette conscience de soi est d’ailleurs centrale dans le management par l’empathie, qui ne doit jamais être résumée à ce regard vers l’autre, car la capacité à ressentir de la compassion et de l’empathie pour l’autre ne peut être déployée si l’on n’est pas capable d’empathie et de compassion pour soi ; à ne pas confondre avec complaisance.

À ces notions d’empathie et de compassion, l’altruisme est parfois associé. Le comportement altruiste apparaît dès la naissance. Antoine Lutz a engagé un programme de recherche sur les origines de l’altruisme au niveau néonatal, et a ensuite étudié la petite enfance et les réflexes altruistes. Le chercheur démontre que l’altruisme est génétiquement programmé chez l’individu, et explique que le lien social est un besoin humain fondamental. Parallèlement, d’autres travaux font la preuve qu’il existait un déclin du lien social et des moments humains sur le lieu de travail, essentiellement lié à la baisse progressive des temps de convivialité. Il n’est pas rare que j’entende dans mes différentes missions au sein des organisations, une affirmation de type « je sépare; j’ai mes amis d’un côté et puis le travail de J’autre». Comme si« le travail » était admis comme un espace désincarné, comme s’il existait un risque quasi sanitaire que l’une des sphères contamine l’autre. C’est à croire que certains individus au travail en seraient presque à utiliser des préservatifs sociaux.

Le Dr Tania Singer, directrice du Département de Neurosciences sociales à l’Institut Max Planck pour les sciences cérébrales et cognitives humaines, Professeure de neurosciences sociales et de neuro-économie ainsi que co-directrice du Laboratoire pour la recherche en systèmes social et neural, a centré ses travaux sur les fondements du comportement social humain et sur les mécanismes du développement et des domaines neuronaux qui président à la cognition sociale et aux émotions (empathie, compassion, équité). Ses résultats ont démontré que l’usage de l’empathie et de la compassion produisaient les résultats suivant : augmentation de la durée de vie, augmentation de la qualité du système immunitaire, augmentation des processus de guérison, prévention de la dépression, etc. Être positif et amical raisonne dans le système nerveux de toute personne, ce qui semble être à l’origine de la compassion innée de l’enfant. Nous sommes tous programmés pour avoir des zones du cerveau stimulées favorablement par la pratique de l’empathie, telle que le démontrent les expérimentations cliniques : un jeune enfant mange avec une cuillère face à un adulte qui mange lui aussi avec une cuillère, mais la casse; systématiquement l’enfant va lui donner sa propre cuillère.

Lorsqu’on grandit, par contre, il y a de fortes probabilités que l’on quitte la table avec sa cuillère !

Valeurs, management et leadership

Ces recherches ont également présenté les bienfaits et les profits (au sens réel et symbolique) qu’une organisation peut retirer de la mise en œuvre des valeurs d’empathie et de compassion. Emma Seppala, Directrice associée CCARE à l’Université de Stanford, Membre honoraire du Centre d’instruction Healthy Minds à Madison, a notamment travaillé sur les bienfaits de la compassion déployée dans les organisations, et a démontré que l’abaissement de la compassion dans le travail s’accompagne d’un déclin de la loyauté, ainsi que d’une augmentation significative du stress et des psychopathologies du travail, ce qui équivaut à une augmentation de 46% du coût de la santé pour les employeurs.

Les valeurs de compassion et d’empathie dans le management sont également travaillées en association au « leadership », selon le prisme de Simon Sinek : « Gandhi, Martin Luther King… il y a les dirigeants qui exercent du pouvoir et de l’influence et il y a les meneurs, ceux qui inspirent et qu’on o envie de suivre ». « The compassionate leadership » signifie que la culture commune qu’on arrive à créer dans une organisation autour des valeurs d’empathie et de compassion va de plus s’accompagner d’authenticité, ce qui permet d’anticiper sur l’hypothèse selon laquelle le management par l’empathie ne serait qu’une technique supplémentaire de manipulation des femmes et des hommes. En effet, certaines études ont montré que chaque être humain est programmé pour distinguer ce qui est de l’ordre de l’authenticité et de l’ordre du travestissement de la réalité. Vraisemblablement, et à l’aide des cognitions issues de l’expérience, nous arriverions tous à distinguer l’authenticité dans l’émotion de l’autre, ce qui proscrit l’idée de l’utilisation frauduleuse de la compassion dans le management. Le Workplace culture, mouvement qui se développe de plus en plus au regard de l’ensemble des résultats que fournissent les travaux des chercheurs sur le management par les valeurs, intègre notamment des éléments de loyauté et de citoyenneté dans les organisations, dont il a été démontré qu’ils conduisent à produire de l’engagement dans le travail, à y trouver un sens personnel, l’augmentation d’une bonne santé physiologique et psychologique, ainsi qu’une baisse remarquable de l’absentéisme. On vient travailler, et on est content.

 

Comme on peut l’observer au regard de l’ensemble de ces travaux, le management souvent associé au secteur de l’entreprise et perçu comme recherchant l’atteinte des objectifs et la quête du profit en se désintéressant du bien-être des femmes et des hommes, n’est donc pas que cela. D’importantes sociétés du secteur privé se sont engagées dans cette nouvelle approche du management, qui leur est apparue bien plus efficiente qu’une gestion de leurs salariés par l’intéressement et la pression du résultat. Emma Seppala a recensé les entreprises qui pratiquent l’empathie et la compassion dans leur mode de management et parmi ces sociétés, ont trouve notamment Facebook (3976 salariés pour un chiffre d’affaire de 7.87 millions de dollars), Genentech (leader international dans le domaine de la biotechnologie) Ernst & Young (cabinet d’audit financier, l’un des Big Four, troisième réseau mondial en chiffre d’affaires) ou encore Bain & Company (l’un des trois principaux cabinets mondiaux de conseil en stratégie). Dans ma pratique professionnelle, je suis encore aujourd’hui surprise de constater que certaines organisations de type ESSMS, dont on pourrait

penser qu’elles reposent sur des systèmes de valeurs forts et efficients, ne les intègrent pourtant pas dans leurs pratiques managériales. Les travaux que je viens de citer, et ceux dans lesquels je suis moi-même engagée, me donnent confiance en de nouvelles perspectives de travail, peut-être un peu teintées d’idéologie, mais assorties d’un levier scientifique permettant de réfuter ce qui resterait prisonnier de nos croyances. Le management par les valeurs n’en est peut-être qu’à ses débuts quant à son développement empirique et son application dans les organisations, mais la combinaison de l’échec de certains postulats managériaux, et des difficultés sociales auxquelles sont confrontés aujourd’hui la majorité des citoyens, augmenteront sans doute la curiosité et les volontés de développer ce type de management, dont la première société dans l’histoire à l’avoir mis en place spontanément et sans la nommer, a été l’entreprise multinationale américaine Apple lnc.

 

Éléments bibliographiques

Brée J., Le comportement du consommateur, Du nod, Paris, 1994.

Mousli Marc, Mary Parker Follett, Pionnière du Management, 2002.

Schwartz, S. H. and Bilsky W., « Toword a Universol Psychologicol

Structure of Human Values », Journal of Personality and Social
Psychology, 1987.

Sinek S., How great leaders inspire action ?,

http:jjwww.ted.com/tolks/simonsinekhowgreatleadersinspireaction.html
septembre 2009.

Singer T., The post, present and future of social neuroscience :

A European perspective, Neurolmage 2012.

 

Colette DOUMENC

Conférence publiée dans les actes « Innovations et Perspectives »

Pour en savoir plus sur le management par les valeurs : https://www.ihos.fr/contact/

Télétravail : conseils de mise en place

Télétravail : les données qui existent

C’est sans doute le meilleur moment pour le tester. Ces dernières années, l’intégration du télétravail dans les entreprises a nettement modifié leur fonctionnement, tant dans les habitudes des salariés que de leurs managers. Rappelons que le télétravail est régi par le Code du travail depuis 2012 (loi Warsmann), et par l’ordonnance de 2017.

Depuis 4 ans plusieurs enquêtes se sont succédé pour faire un point sur les attentes, les vertus, les représentations du télétravail. Nous citerons parmi elles :

  • L’étude Randstad Award 2016
  • Le  baromètre numérique 2017 du Crédoc
  • L’enquête de l’Obergo « impact du télétravail 2018″
  • L’étude Malakoff-Médéric 2018

Ces travaux présentent en substance les résultats suivants :

Engouement des salariés pour le télétravail 

  • Amélioration de la qualité de la vie personnelle
  • Diminution de la fatigue physique liée aux transports
  • Amélioration de la productivité
  • Amélioration de la qualité de vie au travail

Télétravail : mise en place

En ces temps de crise de santé publique, la prévention des risques suppose donc d’envisager, d’encourager, d’imposer, le télétravail. Il s’agit de lutter contre la pandémie qui sévit, tout autant que de faire preuve de responsabilité éthique et managériale. Nous le savons tous les secteurs de l’économie ne sont pas adaptés à la mise en place du télétravail, et pour ceux-là, les solutions de protection seront inédites, peut-être radicales, mais pour les autres, il en va d’un comportement vertueux.

Cela dit, comme les données précédentes le montrent, les salariés y sont majoritairement favorables. Enfin une bonne nouvelle.

Lorsque la mise en place du télétravail n’a jamais été pensé dans l’entreprise, le déploiement du dispositif nécessitera une véritable efficience pour répondre à une question simple : comment ?

Mettre en place le télétravail est généralement une occasion de concertation, d’échanges, de négociation entre salariés, managers, dirigeants, mais là nous le savons, la multiplication des réunions n’est pas de mise. C’est l’efficacité qui doit primer.

Quelques conseils :

  • Définissez à partir des postes et des fonctions, la nature opératoire du travail à produire (ce qui est possible ou pas de chez soi)
  • Établissez une feuille de route de manière à faciliter le repérage des attendus pour vos collaborateurs
  • Vérifiez les moyens techniques mis à disposition des salariés (cohérence attendus/faisabilité)
  • Mettez en place une procédure et une cadence de reporting
  • Mettez en place un tableau de bord de suivi des activités
  • Prévoyez et organisez des visio-conférences pour faire des points réguliers sur l’avancée du travail, les résultats etc.
  • Rendez-vous disponible ; gardez votre rôle de fonction support

Télétravail et management

L’ennemi du télétravail demeure la peur du manager que les salariés ne s’acquittent pas du travail qui leur est dévolu.

Il va falloir lâcher prise.

Effectivement en télétravail difficile de vérifier si un tel est arrivé à l’heure, si une autre ne passe pas « trop » de temps à la machine à café, si les pauses ne s’éternisent pas, si le temps du travail n’est pas consacré à des activités personnelles, etc. Le télétravail c’est avant tout faire confiance, responsabiliser, accepter la zone d’incertitude qui existe dans la gestion d’une organisation, et rompre avec une vision managériale un peu trop ancrée dans la surveillance.

Si la mise en place du dispositif est bien structurée, vous pourrez suivre sans difficulté le travail de vos collaborateurs. Mais attention à ne pas tomber dans l’excès inverse : le sur-contrôle à distance !

Au contraire, restez disponible (ce qui ne signifie pas « être à disposition »), et veillez à conserver un peu de convivialité dans les échanges. Le plus difficile dans la distance, c’est le maintien du lien, du sentiment collectif d’appartenance, de l’identité collective, du corporate. Ces points seront donc à travailler tout autant que les matrices de reporting.

Si le télétravail n’a jamais été envisagé dans votre entreprise, il se mettra en place et fera l’objet de réajustement réguliers, ne l’envisagez donc pas de manière figé et acceptez qu’il évolue et prenne sa propre forme, voire son propre format.

Une mise en place optimisée du télétravail sera la rencontre entre les attendus des managers, la pratique des salariés, et un bon sens collectif !

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Le Management adapté

Management adapté / #Mon Entreprise

Retrouvez cette intervention dans La seconde édition de #MonEntreprise. A cette occasion IHOS avait été sollicitée afin de présenter une nouvelle tendance du management appliqué aux TPE et PME : le management adapté.

https://heraultjuridique.com/entreprises/monentrepriseen2019-18-fevrier-sinformer-pour-mieux-performer/

Adoptez un management adapté

Les grandes Lois des organisations

Toute entreprise, tout établissement, est assujetti à des grandes Lois sociologique et psychosociales, fruit du travail des théoriciens des organisations, et jamais réfutées jusqu’à présent. Les connaître permet d’appréhender la gestion des ressources humaines et le management sous l’éclairage de ces constats. Parmi ces grandes lois, toute organisation est tréversée par une triple limitation :

  • L’Interdépendance limitée des membres : marge de liberté que les individus cherchent à défendre voire à étendre (capacité d’action)
  • La Rationalité limitée : chaque individu choisi un comportement rationnel, selon sa propre vision des choses, généralement locale ou partielle car imputable à la place qu’il occupe dans l’organisation
  • La Légitimité limitée : les buts de l’organisation n’existent pas seuls, ils entrent en concurrence avec les objectifs et les intérêts personnels des individus

Manager : Art d’influencer pour atteindre un objectif

Appréhender le management comme un Art, suppose d’y associer un certain talent. L’art d’influencer signifierait donc d’avoir le talent nécessaire à générer/provoquer une action spécifique pour atteindre un objectif. Beaucoup d’écoles, beaucoup de courants existent, et parmi ces approches « classiques », on nommera : le management Opérationnel ; Directif ; Par projet ; Participatif ; Paternaliste ; Délégatif ; Persuasif ; etc. Quel est le vôtre ?

Le plus souvent, les dirigeants ne « décident » pas d’une posture managériale. Ils managent en fonction de ce qu’ils sont, leur personnalité, leur vision du travail, leur histoire, leur culture, leur expérience, mais ne déconstruisent pas véritablement leurs pratiques. Lorsqu’on nous demande d’intervenir, c’est d’ailleurs parce que justement ces pratiques instinctives atteignent leurs limites.

Or, lorsqu’on manage, l’une des questions à se poser est la suivante : que privilégier au sein de ma stratégie ? L’axe horizontal : réactions centrées sur les résultats, ou L’axe vertical : réactions centrées sur la qualité du relationnel avec les collaborateurs (climat social) ?

Manager : Art de motiver ses collaborateurs

La motivation des collaborateurs repose sur trois facteurs :

  • La rémunération qu’ils obtiennent pour le travail effectué
  • L’adhésion à la mission et aux objectifs qui leur sont confiés
  • Le contexte et l’ambiance dans lesquels ils travaillent (culture d’entreprise)

Ces premiers éléments intervenant dans la motivation des salariés recouvrent déjà des réalités complexes, à la fois objectives (la rémunération) et subjectives (le contexte et l’ambiance de travail). Mais à ces facteurs, s’ajoutent l’importance relative de la situation personnelle des salariés : l’âge, l’ancienneté, la santé, l’environnement, la situation familiale, et la personnalité. Pourtant, pendant des années, la pratique du management s’est volontairement limitée à la sphère du travail, la vie personnelle devant rester sur le parking. Impossible en réalité. Cela reviendrait à imaginer une sorte d’attitude schizophrénique de tous les acteurs au travail (managers compris), capables de dissocier totalement leur vie privé de leur vie professionnelle. En conséquence, le management ne peut se concevoir comme une pratiques dispensée collectivement, et de façon indifférenciée auprès de chaque collaborateur.

Le rôle du manager : atteindre les objectifs dans un climat social favorable

L’art du management, c’est faire en sorte que l’efficacité ne soit pas obtenue malgré la diversité humaine, mais bien grâce à la richesse des comportements, à leur imprévisibilité même, à l’imagination et aux initiatives des personnes qui font l’organisation, de manière quasi individualisée. Le management change parce que les managés ont changé et que la technicisation du management s’est avérée inefficace. L’émergence du management par les valeurs en est le parfait exemple, et a déjà fait l’objet de l’un de nos articles. L’enjeu est donc de concilier un écosystème de travail qui englobe à la fois la performance et la qualité de vie au travail. Tous les travaux sur la prévention des risques psychosociaux et le management interculturel (générations ; genre; etc.) sont la preuve de l’efficacité de ces nouveaux modèles qui remettent l’humain au centre des préoccupations des managers. Aucun professionnel n’a envie de s’impliquer voire de s’engager dans son travail s’il ne se considère pas épanoui dans ce qu’il fait. Or, le capital humain est un atout concurrentiel de toute entreprise.

Les principes du Management adapté

C’est au sein des TPE et des PME que le management adapté atteindra les meilleurs résultats. Pour le mettre en place, quelques principes fondateurs sont à respecter.

  • Bien se connaitre ! Savoir quelles sont nos limites, nos capacités de remise en question, nos modèles, etc.
  • Créer une bonne systémie organisationnelle (moyens matériels ; compétences ; vision ; etc.)
  • Penser les risques et les opportunités, la culture de l’entreprise
  • Manager à partir de l’Autre : chaque individu est unique
  • Innover : appliquer le stand-up meeting issus du management Agile par exemple plutôt que superposer des réunions chronophages
  • Penser le temps et la nature des échanges (formels et informels etc.)

le management adapté, c’est être capable de mutation, au plus prés des spécificités de l’entreprise de laquelle nous faisons partie ou que nous dirigeons. Or, lorsqu’il est état d’innovation managériale, les évolutions portent avant tout sur l’organisation et les systèmes d’information, alors que les « principes collaboratifs » et le facteur humain arrivent en dernière position. Pourtant, c’est très certainement dans cette direction que se situe la véritable (r)évolution du management.

En conclusion, rappelons qu’il ne suffit pas de « greffer » une nouvelle théorie de management pour qu’elle prenne, il faut que tout le corps l’accepte. Toyota est l’exemple par excellence du Lean management, pourtant, cette expérience s’est soldée par un véritable fiasco pour d’autres entreprises. Pourquoi ? Chez Toyota, le Lean management n’a pas été une méthode mais une philosophie, une manière de fonctionner et de se comporter fortement ancrée chez tous les salariés, quelles que soient leurs responsabilités.

 S’il existe une croyance populaire supposant que la créativité est un don et dépend de la personnalité, rappelons nous que la créativité est une capacité, issue de l’inspiration.

S’engager dans des démarches d’innovation managériale suppose avant tout d’apprendre à désapprendre !
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Management et Ressources Humaines : un bilan ?

Management et ressources humaines : où en êtes-vous ?

Depuis quand n’avez-vous pas fait un véritable bilan de vos pratiques RH et managériales ? Certes quand les choses sont en place et qu’elles ne laissent pas apparaître de souci particulier, on hésite à se lancer dans un inventaire des pratiques. Pour autant, c’est bien à ce moment là qu’il est pertinent de le faire. En effet, lorsque vous disposez d’une véritable analyse de ce que vous pratiquez, des tendances appliquées au management, des potentiels leviers qui restent à activer, des axes d’amélioration à travailler, vous aurez beaucoup plus de flexibilité et de réactivité en cas de difficulté, d’adaptation à des marchés modifiées, de tension du climat social, etc.

Quelles pratiques en Ressources Humaines ?

Les courants managériaux sont nombreux, et nous en connaissons beaucoup. Mais quelles sont véritablement vos pratiques ? Et vos managers ont-ils réellement conscience de celles qu’ils appliquent ? Souvent, le management se pratique « intuitivement », au gré des personnalités, et à partir d’elles, les pratiques se déploient. Quelques outils sont mobilisés, quelques compétences appliquées, et le tout exerce une dynamique sur l’ensemble de l’organisation. Faire un inventaire de cet ensemble est opportun à plus d’un tire : rationaliser et homogénéiser ses pratiques, en évaluer l’efficacité, en vérifier l’efficience, mais aussi appréhender quels changements s’imposent au regard de la constante dynamique qui traverse les entreprises et rend nécessaire l’adaptation du management.

Adapter son management

Adapter son management en pratiquant le management adapté ! La toute dernière innovation en matière managériale est justement d’être capable d’un ajustent des pratiques en fonction de la spécificité de l’entreprise, de son éco-système, de son ou de ses marchés, et des femmes et des hommes qui y travaillent. Nous le savons, on ne manage pas à partir de soi mais à partir de l’autre. L’examen des sources de motivation de nos collaborateurs témoigne de la diversité de ce qui les anime, le tout complexifié par leur appartenance générationnelle, leur ancienneté dans l’entreprise, les aléas leur vie personnelle, etc. Une bonne gestion des ressources humaines et un management adapté sont donc les meilleurs alliés pour un un climat social favorable, le développement du corporate, permettant d’atteindre la QVT fidélisant les meilleurs collaborateurs et augmentant l’atteinte des objectifs.

Pour déployer un bon management, il faut donc en faire l’état des lieux : savoir ce que l’on garde, ce que l’on ne peut pas modifier, ce qu’il est impératif de rénover, en quoi il est opportun d’innover !

 

Management et télétravail : gérer l’actualité

Au regard des retours et des besoins que nous font remonter nos clients, nous avons souhaité vous faire part de quelques observations afin de prévenir les difficultés qui apparaissent actuellement. Elles concernent plusieurs points :

  • Le risque de dispersion
  • Les tensions qui émergent
  • La fatigue des collaborateurs

Ces 3 problématiques sont une conséquence directe et logique de cette quatrième semaine de confinement. Si au départ la grande majorité des salariés a apprécié les bénéfices du télétravail (que nous avions cités dans un précédent article), la lassitude de l’enfermement et toutes les origines qu’elle peut avoir, commencent à se répercuter sur le travail. Promiscuité familiale, isolement social, temps qui se délite, de nombreux facteurs agissent sur le moral et l’assiduité des individus.

Télétravail et risque de dispersion

Travailler depuis le domicile s’avère de moins en moins aisé. Paradoxalement le rythme de croisière que nous pensions avoir structuré connait actuellement quelques à-coups. Entre les enfants qui sollicitent les parents, l’environnement qui reste identique même si un espace spécifique est dédié au travail (ce qui n’est pas toujours possible) et l’isolement social, la concentration et l’endurance s’en trouvent réellement menacées. Pour d’autres, une activité à mi-temps, ou qui ne remplit pas la journée, menace à moyen terme la motivation et la structuration du temps.

Management et télétravail : Les tensions qui émergent

Elles sont d’abord individuelles, car ce que nous avons précédemment cité s’applique sur ce point aussi. Mais nous avons également remarqué que si les premières visio-conférences se pratiquaient dans un esprit bon enfant et détendu, où chacune et chacun témoignait de sa bonne volonté à poursuivre le travail, les esprits commencent à s’échauffer. Des formes de jugement sur l’hétérogénéité des efforts réciproques commencent à poindre, et les échanges se durcissent, parfois sous forme d’allusions, et parfois plus franchement. Ces tensions sont à prendre très au sérieux, car une fois déconfinés, les représentations sur les uns et les autres quant à leur contribution à l’effort collectif pendant le confinement vont être importés au sein de l’entreprise, et le plaisir de se retrouver autour de la machine à café va être fatalement entaché de rancœurs et de nouvelles inimitiés. De plus, et en restant optimistes, nous savons qu’il reste encore quelques semaines à tenir. Il est donc primordial de veiller au maintien d’un climat social favorable.

Management et télétravail : La fatigue des cadres et des collaborateurs

Encore un effet du confinement. Si au tout début les bienfaits d’être par exemple libéré des contraintes de trajet ont été souvent évoqués, la conjugaison confinement / télétravail est une véritable source de fatigue psychologique. La lassitude issue d’un environnement unique et d’une réduction, voire disparition des interactions sociales « réelles », impactent les collaborateurs. De plus, certains d’entre eux commencent à se plaindre de la cadence très élevée qui leur est imposée (ou qu’ils s’imposent). Certains dirigeants et cadres notamment, qui enchaînent réunions sur réunions, assorties d’une production dont il faut s’acquitter très rapidement (du moins le ressentent-ils comme tel), missions auxquelles s’ajoutent le management à distance de leurs équipes et l’inquiétude sur les mois à venir, sont en train de saturer. Pour autant, la reprise va nécessiter une véritable énergie et une pleine possession de ses moyens.

Quelques conseils

  • Faites le point avec vos collaborateurs sur les modalités de travail mises en place
  • Evaluez vos pratiques de management à distance
  • Engagez les modifications qui s’imposent
  • Contactez individuellement les collaborateurs (si leur nombre le permet) pour recueillir leurs ressentis ou les préconisations qu’ils n’oseraient faire en visio collective

 

Quoi qu’il en soit n’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez un support ou des conseils plus individualisés.

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