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Risque, travail et économie : Et toi, tu fais la bise ?

Risque et Virus

Il ne se passe pas une journée sans que l’on en parle, ou sans que l’on en entende parler. Le risque est là. Il s’appelle Coronavirus. Le Ministre des Solidarités et de la Santé, nous informait encore ce matin 06 mars, sur l’évolution de la situation en France.
« Le virus est présent sur le territoire national, avec notamment plusieurs zones de regroupement de cas appelés clusters. Nous sommes actuellement au stade 2 du plan d’actions du Gouvernement qui a pour objectif de prévenir et limiter la circulation du virus. Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 423 cas de Coronavirus COVID-19 confirmés. 7 personnes sont décédées depuis le début de l’épidémie. »

Comme un besoin de rassurance, beaucoup d’entre nous évoquent la grippe et ses conséquences en miroir du coronavirus. Là aussi, les informations existent et sont notamment fournies par le réseau Sentinelle (réseau de recherche et de veille en soins de premiers recours) : En France métropolitaine, la semaine dernière, le taux d’incidence des cas de syndromes grippaux vus en consultation de médecine générale a été estimé à 175 cas pour 100 000 habitants. Au niveau régional, les taux d’incidence les plus élevés ont été observés en : Auvergne-Rhône-Alpes (341), Provence-Alpes-Côte d’Azur (332) et Nouvelle-Aquitaine (258).

Conclusions du groupe de travail pour la surveillance de la grippe en France métropolitaine : diminution de l’activité grippale dans la majorité des régions en métropole ; pic épidémique probablement atteint dans toutes les régions métropolitaines. Toujours selon les chiffres de Santé Publique France (arrêtés au 28 février dernier), 55 personnes sont mortes de la grippe depuis le 4 novembre 2019, et 530 cas graves ont été signalés et admis en réanimation.

En soit, les chiffres abondent dans le sens de ceux qui cherchent à argumenter sur l’inquiétude démesurée que provoque le fameux virus. Pourtant, cette inquiétude plus ou moins soutenue, est bien réelle. Le seul mot de contagion suffit à la faire naître, et ce de tout temps. Comme le souligne Jocelyn Raude, Maître de conférences en Psychologie de la santé et des maladies infectieuses : il y a toujours une énorme inquiétude qui se manifeste en début d’épidémie, et qui se transforme parfois en panique collective (…) Objectivement, nous avons plus de chance de mourir dans une voiture plutôt que dans les airs. Mais ce risque nous paraît plus contrôlable car c’est nous qui conduisons, alors que dans un avion, nous sommes dépendants d’autres personnes, d’institutions.

Le fait est qu’aucune entreprise, aucune organisation de travail, n’est épargnée par le débat, ni par une modification des comportements.  « Tu fais toujours la bise ou pas ? » « Je ne te serre pas la main » Voilà des réactions bien inédites depuis 3 semaines, et qui apparaissent plus nombreuses chaque jour. « Mais tu m’as fait la bise hier ! – Oui mais maintenant je fais gaffe ! ».

Risque, Virus, et travail

Le risque est la possibilité (ou la probabilité) qu’un événement ou une situation entraîne des conséquences négatives dans des conditions déterminées. Un risque est donc un événement dont l’arrivée aléatoire, est susceptible de causer un dommage aux personnes ou aux biens ou aux deux à la fois.

La notion de risque s’accompagne aujourd’hui du constat de la modification du comportement de certains professionnels. Ce changement, qui participe à restreindre la contagion – et à ne pas se faire contaminer ! – ne menace pas en soit l’activité de l’entreprise. Pour autant, le Ministère du travail a publié le 28 février dernier, un document intitulé Covid-19 version du 28 février 2020 – Questions/réponses pour les entreprises et les salariés.

Type de questions recensées :

 Du côté des salariés :

  • Dois-je prévenir mon employeur si je reviens, ou si l’un de mes proches revient d’un pays à risque ?
  • Quelles sont les précautions à prendre et quelles mesures mon employeur peut-il m’imposer si je reviens d’un pays à risque ?
  • Mon enfant fait l’objet d’une demande de respect d’une période d’isolement, quelle démarche suivre si je ne dispose pas d’une solution de garde ?
  • Quelles sont les conséquences sur mon contrat de travail de mon placement en quarantaine ?
  • Puis-je exercer mon droit de retrait si mon employeur me demande de me déplacer vers une zone à risque ?
  • Puis-je exercer mon droit de retrait si un de mes collègues revient d’une zone à risque ou a été en contact avec une personne contaminée ?

 Du côté des employeurs :

  • Quelles sont les recommandations sanitaires pour les entreprises en France ?
  • Est-il permis d’envoyer des salariés dans une zone à risque ?
  • Quelles mesures prendre si un ou plusieurs salariés de mon entreprise reviennent de zones à risque ou ont été en contact avec une personne infectée ?
  • Comment mettre en œuvre le télétravail ?
  • Est-il possible d’imposer une prise de congés ou de jours de réduction du temps de travail (JRTT) au salarié concerné pendant la période de vigilance de 14 jours ?
  • Exercice du droit de retrait des salariés
  • Quels outils mobiliser en cas de variation de mon activité du fait de la crise ?

Nous sommes-nous déjà posé ces questions en période d’épidémie de grippe ?

Que va-t-il se passer si notre territoire devient (officiellement) une zone à risque ?

Risque, Virus et économie

Certains secteurs de l’économie sont plus touchés, plus vulnérables, que d’autres. Et lorsqu’il s’agit d’entreprises en forte interactions avec les clients, le public, les choses se complexifient.

A ce jour, la principale recommandation du gouvernement à destination des entreprises est d’éviter les déplacements professionnels dans les zones à risques. Elles doivent également appliquer les mesures recommandées pour aménager les postes de travail en cas de retour d’un salarié de zone à risque ou de contact avec une personne infectée.

Cela dit, comme nous l’avons cité plus haut, la question de la variation de l’activité imputable à la crise est posée. Globalement, la réponse apportée par le Ministère du travail couvre le prisme :

  • De l’activité partielle – conditions de demandes et d’éligibilité (le dispositif d’activité partielle peut être sollicité par les entreprises dans le cadre de circonstances à caractère exceptionnel article R. 5122-1 du code du travail).)
  • Des conséquences sur les contrats de travail
  • De la compensation financière pour l’employeur

En corollaire, le Ministre de l’économie annonçait hier des mesures immédiates de soutien aux entreprises qui rencontreraient des difficultés sérieuses, notamment :

  • Le report d’échéances sociales et/ou fiscales (URSSAF, impôts)
  • Le cas échéant, un plan d’étalement de créances avec l’appui de l’Etat et de la Banque de France
  • L’obtention ou maintien d’un crédit bancaire via Bpifrance, qui se portera garant de tous les prêts de trésorerie dont les entreprises pourraient avoir besoin à cause de l’épidémie
  • Le financement des salariés par le mécanisme de chômage partiel
  • L’appui au traitement d’un conflit avec des clients ou fournisseurs
  • Médiation du crédit pour accompagner dans les territoires les PME qui auraient besoin de renégocier leurs contrats et de renégocier leurs crédits
  • Les ministres ont demandé aux grands donneurs d’ordre de faire preuve de solidarité vis-à-vis de leurs fournisseurs et sous-traitants qui pourraient avoir de plus en plus de mal à s’approvisionner et à respecter les délais de livraison
  • Accélération des procédures d’agrément dans certaines filières pour les nouvelles sources d’approvisionnement, en particulier pour le secteur de la construction ou de la chimie afin de les aider à diversifier leurs sources d’approvisionnement tout en respectant les normes sociales, environnementales et européennes
  • Lancement d’une réflexion sur la sécurisation des approvisionnements pour certaines filières stratégiques, comme la filière automobile, afin de les faire gagner en indépendance par rapport à leurs approvisionnements à l’étranger

Risque, virus, et management

Si les salariés évoquent la question des risques liés au virus dans les bureaux, les couloirs, à l’accueil, autour du café, est-elle posée et traitée par les managers ?

Au regard de la mobilisation des services de l’état, les entreprises et les dirigeants sont-ils tout autant engagés dans la prise en charge de cette nouvelle actualité ?

Le risque est avant tout un objet de représentation. Il est appréhendé culturellement, dépendant de croyances qui seront autant de facteurs d’influence des attitudes et des comportements (ignorance, non-perception ou sur-appropriation du risque). Il fait opposer la subjectivité de la peur à la connaissance rationnelle, scientifique, et quand celle-ci ne peut encore remplir son rôle de rassurance, il est la porte d’entrée à toutes formes de spéculations.

Entre risques « perçus », risques « réels », risques « acceptables », l’information et la communication seront les meilleurs régulateurs. Laisser les couloirs prendre le dessus sur l’information, c’est prendre le risque que vos collaborateurs aient l’impression que leur Direction néglige leur santé et leur exposition au danger.

En management (comme ailleurs), la notion de risque, et son appréhension, est à la base d’une prise de décision rationnelle : on pèse le pour et le contre d’une action, on fait un « pari » en connaissance de cause. On accepte donc un risque ou pas, en fonction de l’évaluation que l’on fait de la situation. Or, la perception du risque peut être entravée ou amplifiée par des facteurs subjectifs, propres à chaque individu. Exemples : vivre au pied de l’Etna, construire son domicile près d’une usine SEVESO, avoir des rapports non protégés, consommer alcool ou tabac.

Dans le champ de la perception et de l’évaluation du risque, les mentalités ont évolué en même temps que l’accès à la connaissance, ou du moins l’idée que l’on s’en fait. A partir de la lecture d’un article de presse, d’une déclaration au JT, chacun d’entre nous peut s’imaginer être informé, averti, et en l’occurrence aujourd’hui, menacé.

La R.S.E. déployée dans les organisations, est un bon support de mise en place d’un plan de prévention des risques. En effet, l’acceptabilité sociale des risques est fortement liée à la reconnaissance de leur nature anthropique et à leur gestion à travers un ensemble de procédures et d’expertise. Le risque est considéré acceptable par une personne ou une collectivité lorsqu’elle peut en supporter les conséquences, tout en sachant que cette acceptabilité est variable.

Le management peut donc intégrer la prévention avec pour objectif de justifier cette acceptabilité, d’anticiper la manifestation du risque, de limiter les effets et l’incertitude qu’il suppose, voire même d’activer une dynamique de régulation émotionnelle. Dans une ère de qualité de vie au travail, de responsabilité sociale de l’entreprise…et de coronavirus, ne négligeons pas les effets symboliques du virus sur les entreprises.

https://www.ihos.fr/nos-prestations/accompagnement-rse/