Séminaire d’entreprise : Un outil managérial efficace

Séminaire d’entreprise : Pourquoi faire ?

Pourquoi interroger la notion de hiérarchie et l’organisation managériale au cours d’un séminaire d’entreprise ?

Posez-vous la bonne question : comment faire adhérer mes collaborateurs aux orientations de l’entreprise et accroître leur motivation ? C’est la base du management. Vous en faites quotidiennement.

Le Séminaire d’entreprise est pourtant l’occasion de faire passer de nouveaux messages, d’insuffler une véritable dynamique.

Séminaire d’entreprise : Un outil managérial

A destination de tous les professionnels de l’entreprise, il permet de développer le fameux esprit « corporate », l’adhésion des collaborateurs, l’appartenance.

Dans ce séminaire, nous avons fait le choix d’appréhender un modèle inédit de management en métissant le Lean management japonais et le modèle « Team organization » allemand ! Quelle ambition ! Mais l’efficacité est au rendez-vous.

Séminaire d’entreprise : Où et comment ?

Notre expérience nous a conduit dans des environnements bien différents ! Au bord de la mer dans de luxueux hôtels, au sein du cadre verdoyant des Golf Club, au calme de la campagne pour un esprit écolo-relaxant, ou encore passer 4 jours sur des voiliers !

Le choix du lieu, le choix du mode d’accueil, ne doit rien au hasard. Il correspond à un état d’esprit, à l’image de l’entreprise, aux objectifs que l’on veut atteindre, et qui peuvent être nombreux et très divers !

Séminaire d’entreprise : Avec qui ?

Le séminaire d’entreprise est une entrée qui  permet d’anticiper les résistances au changement,  d’ancrer le contexte moral et philosophique de l’entreprise, de comprendre les orientations de l’entreprise.

Et ne l’oublions pas, le séminaire c’est également un lieu, un temps, de convivialité, d’échanges, d’informel, qui crée du lien et facilite les relations.  Un outil d’une redoutable efficacité ! Mais à ne pas confier à n’importe qui !

Nous sommes à vos côtés ! Profitez de notre expérience et de notre maîtrise de ce type d’évènement qui doit parfaitement correspondre à votre stratégie managériale.

Colette Doumenc

Innovation Managériale

L’innovation managériale : une nécessité pour les organisations

Selon un sondage réalisé en décembre 2017 par BVA pour Audencia, l’innovation managériale est perçue comme suit.

  • Un moyen d’améliorer la performance économique (64 %)
  • Une façon de faire travailler davantage les salariés (61 %)
  • Une lubie des dirigeants (55 %)
  • Une manière de favoriser le bien-être (40 %)

63 % des dirigeants considèrent leur management innovant au sein de l’entreprise. Seuls 29 % des salariés en saisissent l’intérêt. Mais en fournissant ces réponses, étions nous sûrs que les sondés s’accordaient sur la définition de l’innovation managériale ? Initialement, le concept d’innovation managériale est apparu à la suite de la publication d’un livre de Gary Hamel (1) . Selon l’auteur, les entreprises n’avaient plus d’autre choix que d’innover en matière de management pour mieux manager l’innovation. L’un ne pouvait être conçu sans l’autre, ce qui, avec du recul, semble parfaitement logique. La technologie révolutionnait l’univers du travail et obligeait les entreprises à une nécessaire adaptation au risque de disparaître. L’innovation technologique ne pouvait être accompagnée et appréhendée selon des règles managériales d’un autre âge, davantage apparentées à de la gestion du personnel plutôt qu’à un véritable management.

Le terme Innovation est aujourd’hui employé dans quasiment tous les secteurs d’activité économique. L’INSEE (2) en propose la définition suivante. «L’innovation désigne l’introduction sur le marché d’un produit ou d’un procédé nouveau ou significativement amélioré par rapport à ceux précédemment élaborés par l’unité légale. Deux types d’innovation sont distingués : les innovations de produits (biens ou services) et de procédés (incluant les innovations d’organisation et de marketing).»
Nous pouvons retenir de cette définition que la nouveauté ou l’amélioration sont les deux critères qui désignent l’innovation. Qu’en est-il dans la réalité?

En 2013, un sondage Ipsos mentionnait que l’innovation au sein des organisations était confiée à 72 % aux fonctions Recherche & Développement, Qualité et Marketing. En effet, comme le précise Francis Boyer (3), lorsqu’il s’agit d’innovation, on pense en premier lieu aux innovations technologiques ou à la création de nouvelles offres.

 

D’ailleurs, le classement des entreprises innovantes est basé sur le nombre de brevets déposés, et en cela il est vrai, la France est le 3e pays le plus innovant au monde !

Selon le même sondage, si 85 % des dirigeants estimaient que l’innovation est primordiale pour rester compétitif, les entreprises n’y accordaient qu’environ 10 % de leur temps. Et si 54 % des collaborateurs suggéraient de nouvelles idées à leurs managers, seules 11 % d’entre elles étaient prises en considération.
Sans doute que depuis près de 10 ans, la question s’est déplacée, ce d’autant plus après la crise sanitaire, nous y reviendrons. Mais les évolutions qui ont traversé la société, l’avènement de la technologie, l’évolution des modes de communication et l’arrivée des générations Y et Z, avaient déjà encouragé les dirigeants à interroger leur mode de management.

 

I – LE VÉRITABLE PÉRIMÈTRE DE L’INNOVATION MANAGÉRIALE

Lorsqu’il est fait état d’innovation managériale, les évolutions portent avant tout sur l’organisation et les systèmes d’information. Les «principes collaboratifs» arrivent en dernière position, alors que comme le souligne F. Boyer (4), c’est très certainement dans cette direction que se situe la véritable (r) évolution du management. Lorsque nous travaillons auprès de nos clients, nous constatons souvent que ce qu’ils désignent comme étant de l’innovation managériale n’en est pas en réalité, car les actions qu’ils déploient ne sont pas correctement identifiées au regard des segments de l’organisation qu’elles concernent. Si l’on s’intéresse plus précisément à la place qu’occupe l’innovation dans le champ du management, sur l’ensemble des applications possibles où l’innovation est envisagée, il paraît primordial d’identifier s’il s’agit bien, justement, d’innovation managériale.

Pour ce faire, faites la distinction suivante :

  • Innovation organisationnelle : refonte d’un organigramme, gestion de projet, mise en place d’un système qualité, etc.
  • Innovation sociale : ce qui impacte les attentes des salariés (salle de sport ou de relaxation intra-entreprise, séances de yoga, réaménagement des espaces de travail, des horaires, etc.)
  • Innovation managériale : nouveaux outils managériaux, implantation de Shadow Comex (5), délégation, principes collaboratifs, etc.

Très souvent, les dirigeants confondent la nature de leur innovation et il n’est pas rare qu’ils désignent ainsi une action comme étant managériale, alors qu’elle concerne une nouveauté  organisationnelle. Cela étant, tout changement se manage.
Mettre en place une nouvelle organisation suppose de pouvoir l’animer, la faire vivre, œuvrer à ce que chacun s’en empare au mieux, car, finalement, le changement organisationnel est un levier devant permettre l’atteinte optimisée des objectifs que l’on se fixe. De la même manière, l’innovation sociale concourant à augmenter le bien-être des salariés et la qualité de vie au travail, s’inscrit donc dans la définition même du management.
Au sein du Groupe Mars, par exemple, favoriser les open-spaces ainsi que la colocalisation des cols blancs et des cols bleus (6) sont deux grandes règles. Il n’existe pas de bureaux, mais uniquement des plateaux où personne n’a de place attribuée (dans le but de favoriser les échanges entre fonctions). De même, la filiale aura toujours ses bureaux dans le même bâtiment que celui de l’usine : ainsi le manager général ainsi que son équipe peuvent assister aux réunions de production. La morphologie sociale des lieux de travail incarne donc en soi une stratégie et des pratiques  managériales.

Henry Mintzberg définissait d’ailleurs le management comme «les processus par lesquels ceux qui ont la responsabilité formelle de tout ou partie de l’organisation essayent de la diriger ou, du moins, de la guider dans ses activités »(7), ce qui en soit peut donc couvrir le prisme de tout type d’innovation.
Selon l’auteur, l’organisation se définit comme une action collective à la poursuite de la réalisation d’une mission commune, et la structure comme la somme totale des moyens employés pour diviser le travail en tâches distinctes et ensuite assurer la coordination nécessaire entre ces tâches. Comme pourrait le laisser penser cette définition, on considère souvent l’auteur comme un analyste des structures organisationnelles. Or, une bonne partie de son travail s’est attaché à définir et comprendre le rôle du management au sein des organisations.
Les «10 rôles du manager» de Mintzberg montrent que si l’action managériale est transversale, diffuse même, elle fait appel à des compétences bien précises.

  1. Rôle cadre symbole : soigner son image en interne comme en externe pour être en cohérence avec son statut, et particulièrement sa réputation. Le manager doit inspirer le respect attendu.
  2. Rôle du leader : l’écoute, l’empathie, l’utilisation de l’intelligence émotionnelle. Le leadership se travaille en cultivant les compétences qui font de nous un vrai leader, celle ou celui que  l’équipe suit avec enthousiasme et confiance.
  3. Rôle de l’agent de liaison : compétences en termes de management de réseaux de contacts.
  4. Rôle de l’observateur: sélectionner les sources, rechercher et organiser l’information pertinente, apprendre à qualifier la valeur d’une information.
  5. Rôle de diffuseur d’information : maîtriser les outils de partage d’information, savoir communiquer à l’écrit.
  6. Rôle du porte-parole : préparer et réussir des présentations face à une assemblée, talents d’orateur.
  7. Rôle de l’entrepreneur : maîtriser les techniques de créativité, utiliser les méthodes de résolution de problème, gérer le changement, élaborer un plan d’affaires, mettre en place un plan d’action.
  8. Rôle de régulateur : gérer des conflits, les résistances au changement, etc.
  9. Rôle de répartiteur de ressources : construire un plan d’affaires, savoir élaborer un budget, définir des priorités.
  10. Rôle de négociateur : savoir préparer et mener une négociation.

Comme on le constate, quel que soit le périmètre de l’innovation, le management sera indissociable de toute action qui sera initiée, en ce sens qu’il en deviendra le levier dynamique. Arriver à faire la différence entre les types d’innovation, revient donc à mieux conscientiser sur quelle partie de l’entreprise, de l’établissement, nous décidons d’agir.

II – LES PRATIQUES DE L’INNOVATION MANAGÉRIALE

Pour traiter la question de l’innovation managériale, nous nous concentrerons ici sur l’aspect le plus pragmatique que le terme peut revêtir. En effet, les intentions comme les longs discours ne  suffisent pas. Lorsque nos clients nous déclarent qu’ils s’engagent dans «le renouvellement» ou «la rénovation» de leurs pratiques, pour permettre aux salariés une «meilleure collaboration», pour augmenter la «qualité du climat social», pour «optimiser la communication», nous leur demandons systématiquement «comment
À cette question, les réponses fournies sont souvent très théoriques : «en favorisant l’échange», «en diffusant l’information», «en lissant les niveaux hiérarchiques» en «étant à l’écoute des  salariés», etc. Et systématiquement nous renouvelons notre question : «OK! mais comment ?»

L’exemple des Shadows Comex que nous citions plus haut est le témoignage de ce type d’innovation pragmatique, permettant de responsabiliser les employés (empowerment = donner la responsabilité tout en valorisant l’avis des gens) qui concourt aussi à une meilleure cohésion des équipes et une confiance renforcée dans la fonction managériale intermédiaire. L’innovation managériale doit donc se traduire dans les faits, dans les méthodes, dans les outils, dans du pragmatisme. Et c’est souvent par la connaissance des formes de management les plus diverses que l’on peut envisager le changement.
«Procédé nouveau ou significativement amélioré», nous dit l’INSEE. La nouveauté pourrait donc consister en l’introduction de nouvelles formes de travail, de nouvelles méthodes, de nouveaux outils, qui seraient empruntés à des méthodes managériales jusqu’alors déployées dans d’autres secteurs, voire qui auraient été conçus dans des univers bien étrangers aux nôtres.

Un exemple concret : Dans le secteur des ESSMS, la «réunion» est une institution. Regroupant rituellement dix ou quinze professionnels, systématiquement programmée aux mêmes jours de la semaine, et d’une durée moyenne de deux heures – au moins. Régulièrement, les équipes de Direction que nous accompagnons nous font part des difficultés de concentration des professionnels,  voire de ce qu’ils qualifient comme étant des attitudes dissipées, distraites, ou agaçantes, lorsque les professionnels en question pianotent sur leur téléphone de manière plus ou moins discrète !

À cette remarque, je réponds souvent, avec un soupçon de provocation, «êtes-vous sûrs qu’ils se sentent vraiment concernés par ce que vous dites ?»

Selon une enquête réalisée par TNS Sofres pour Bruneau, en janvier 2013, 65 % des Français estimaient que la moitié des réunions est inutile et 80 % affirmaient avoir déjà eu l’impression de  perdre leurs temps. Pour compenser l’ennui de nombre de réunions, 41 % des salariés déclaraient en profiter pour s’amuser et piquer un fou rire, 31 % préparaient la réunion suivante (surtout les cadres), 29 % des accrocs regardaient plus ou moins discrètement leurs e-mails ou échangeaient par SMS et 10 % avouaient s’assoupir et piquer une petite sieste.

Si ce désengagement des professionnels devient chronique, alors il est temps d’innover ! Avez-vous pensé aux «stand-up meeting»?

Aïe, un anglicisme! Essayons de passer outre. J’ai encore du mal à déclarer «avez-vous pensé aux réunions debout ?» Le stand-up meeting est un outil managérial directement issu du Management Agile, créé par et pour les start-ups qui ne pouvaient, de par leur organisation et leurs enjeux, se permettre de «perdre du temps» en réunion. Ces entreprises ont innové pour trouver un espace d’échanges privilégié avec les salariés, être au plus près des problèmes qu’ils rencontraient et leur proposer des solutions adaptées et individualisées. D’une durée maximale de 15 à 20 minutes, et rassemblant 3 à 4 professionnels, ce type de réunion quasi quotidienne ou bi-hebdomadaires, a pour autre vertu de gérer l’incertitude, d’augmenter la qualité de la communication, de  favoriser la cohésion, de réduire la distance hiérarchique entre salarié et manager, et de gagner en efficacité.
L’innovation dans l’innovation consiste à adapter ce type d’outil à la spécificité de l’établissement ou du service dans lequel il sera déployé. Libre ensuite au manager de conserver une fois par mois une réunion «grand format» qui permettra à l’équipe tout entière de se retrouver et d’échanger sur les points essentiels de leur activité ou qui ont traversé leur actualité.

L’innovation par l’implantation d’un outil Agile a donc comme intention de :

  • Placer les individus et leurs interactions au-devant des processus et des outils, prioriser une action plutôt que des heures de réunion
  • Cultiver la collaboration avec les salariés plutôt que le contrôle du respect des règles
  • Se concentrer sur l’adaptation au changement davantage que sur le suivi et le respect d’un plan

Il ne s’agit là que d’une illustration parmi beaucoup d’autres qui pourraient être citées, mais elle reflète bien le type d’innovation managériale qui peut être implantée sans pour autant  révolutionner un fonctionnement, mais bien dans le but d’enjamber une difficulté et de créer une nouvelle dynamique dans les interactions au profit de l’objectif à atteindre : une meilleure qualité  d’accompagnement des usagers par exemple.

III – LES CONDITIONS DE L’INNOVATION MANAGÉRIALE

Dans l’illustration précédente, l’innovation managériale se situe donc à un niveau relativement simple, bien que dans le secteur des ESSMS, par exemple, modifier les formats de réunions peut,  selon les cas, ressembler à une véritable révolution des mœurs, preuves en sont les résistances que ce type de changement a pu occasionner.
Mais parfois, la volonté d’innovation peut prendre des formes bien plus ambitieuses. Lorsque l’on demanda à Edwin Herbert Land, inventeur du procédé de photo instantanée Polaroid en 1947, ce qui l’avait conduit à cette innovation, sa réponse fut la suivante : « Innover, ce n’est pas avoir une nouvelle idée, mais arrêter d’avoir une vieille idée ».

Inspiré par cette déclaration, le Directeur Général d’une association de près de 600 salariés était venu me voir, il y a quelques années, en me disant la chose suivante. «Tout va bien, tout roule,  alors justement, c’est le moment de changer ! Propose-moi quelque chose, il faut qu’on innove avant que les gens s’endorment ! ».
La demande était ambitieuse. La proposition devait l’être tout autant.

Après un diagnostic de faisabilité, nous avons donc proposé de mettre en place une Team Organization. Une innovation à l’allure de révolution. Il s’agit là d’innovation organisationnelle, mais qui suppose que le management soit lui aussi profondément repensé. Si l’on devait résumer, la Team Organization, comme son nom l’indique, suppose de concevoir l’organisation en termes d’équipes autonomes dans leurs compétences et leurs missions, chaque professionnel pouvant avoir le Lead (être meneur) au regard de son expertise ou du projet qu’il souhaite engager et mener.
Le manager prend alors une position ressource, au service de chaque équipe et chaque professionnel, dans le déploiement de leurs projets et de leurs activités. L’organigramme devient circulaire.

L’innovation managériale consistait donc dans le renoncement des équipes de Direction à leur position purement hiérarchique. Le modèle n’était plus descendant, mais transversal, dans une dynamique de coopération. Les questions d’organisation, de contrôle et de sanction devaient se réinventer.
Afin d’en faciliter la mise en œuvre, nous avons opté pour une forme «allégée» de ce type d’innovation. Mais même la forme «allégée» supposait en soi une transformation profonde. Quasiment aucun cadre, aucune directrice, aucun directeur ne connaissait ce type d’organisation, et encore moins les formes managériales qui devaient l’accompagner.
Pour mettre en place ce projet, deux séminaires ont été organisés. L’un rassemblant toutes les directrices et tous les directeurs, le second tous les cadres, afin que chacun s’acculture au changement  qui leur était proposé. Au terme des deux séminaires, les contours du projet se sont plus nettement dessinés.
L’idée de départ était celle de la nouveauté, de l’innovation, la volonté de bousculer un peu les pratiques pour ne pas prendre le risque d’un enlisement dans des organisations qui ne seraient plus questionnées, ce qui pouvait constituer un risque réel pour le fonctionnement des établissements. Atteindre cet objectif devait donc s’accompagner d’un examen approfondi de la réalité, de la propension qu’avaient les uns et les autres à appréhender l’innovation, mais sans courir le danger d’une démobilisation, d’une résistance ou d’une opposition au changement tant ce dernier  pouvait être considéré comme menaçant. Il ne fallait pas prendre le risque de la paralysie.

Aussi, nous avons concentré nos efforts dans deux directions :

  • Etre capable d’appréhender les équipes dans leur capacité à être autonomes
  • Mettre en place un mode de management d’appui et de coopération plutôt que de contrôle

Un bon leader doit être capable d’accepter de perdre un peu de ses pouvoirs au profit des autres. Laisser les salariés mener les visites quand il y en a, les laisser présenter l’activité de leur secteur,  etc., autant de petites choses qui ne semblent rien, mais qui participent à la reconnaissance et renforcent l’image du manager. L’idée de départ a donc été moins ambitieuse dans sa mise en place, certes, mais beaucoup plus opératoire. Et finalement, l’objectif de rénover – pour ne pas dire «réveiller» – les pratiques a été largement atteint. Il s’agit donc là d’adapter l’innovation aux conditions dans lesquelles elles se déploient afin de ne pas menacer les équilibres, mais renforcer la motivation à adhérer à la nouveauté.

Lorsqu’il s’agit d’innovation, le «quoi qu’il en coûte» n’est pas un bon paradigme.

IV – LES ORIGINES DE L’INNOVATION MANAGÉRIALE

Comme nous venons de le voir, l’innovation peut avoir bien des sources, dont celle, toute simple, de souhaiter rompre avec un fonctionnement routinier. Mais les origines des innovations  managériales sont multiples. Au cours de ces dernières années, le Lean Management et l’Agility Management ont été deux des principales innovations managériales les plus remarquables. Nous  avons déjà évoqué le management Agile.
L’origine du Lean Management se trouve au Japon, dans les années 50. Le pays est alors lourdement touché par les conséquences de la Seconde Guerre. L’entreprise Toyota ne peut rivaliser avec les grands constructeurs automobiles internationaux et se doit de repenser son système de production et de management si elle veut survivre. Elle invente le Toyota Production System, qui se base sur l’automatisation, une plus grande autonomie des salariés n’ayant plus à surveiller continuellement la machine et donc ne plus en être «l’esclave», une organisation beaucoup moins pyramidale que ce qu’elle était, et une mise sur l’intelligence collective dans le management. Il s’agit de repenser l’entreprise selon une toute nouvelle philosophie qui doit être incarnée par chaque salarié.
L’entreprise renaît de ses cendres.

Dans les années 80, les constructeurs européens en prise aux mêmes difficultés s’intéressent à ce modèle, rebaptisé Lean Management, ce qui signifie littéralement «Management Maigre»,  «dépoussiéré», celui qui permet de ne pas perdre de temps à des activités jugées inutiles. À partir des années 90, le Lean Management se répand hors des activités traditionnelles de l’Industrie  pour s’étendre au sein du management des fonctions support et administratives des entreprises, jusqu’aux entreprises de services telles que les banques et les assurances. On parle alors de Lean Office ou Lean Services. En France, il existe même l’Institut Lean France, qui traduit et publie les ouvrages de référence, organise des conférences et des formations pour favoriser le partage d’expérience entre les praticiens Lean.
Comme on le voit, ce qui a initié le véritable changement, la véritable innovation, se situe ici dans une nécessité de survie. Le modèle ayant ensuite fait ses preuves, il a été importé dans d’autres entreprises ce qui a en soi constitué une innovation puisqu’il a modifié en profondeur la manière d’appréhender les organisations et le management.
Lorsque vous évoquez aujourd’hui dans vos structures «l’intelligence collective», vous faites (presque) du Lean Management ! Si l’on examine les origines des innovations managériales, nous pouvons donc considérer qu’elles sont multiples, mais elles ont toujours un dénominateur commun : elles sont initiées par une/un dirigeant lui-même animé par des convictions multiples.
L’origine la plus souvent citée, lorsqu’il s’agit d’innovation managériale, réside dans l’inadéquation entre besoins de l’organisation et mode de management.
En effet, les modes de management traditionnels ne permettent pas d’évoluer dans un environnement dépendant de fluctuations régulières, rapides et imprévisibles (8).

L’arrivée des nouvelles générations de salariés a d’ailleurs montré les limites du management traditionnel et a obligé les dirigeants à modifier leurs pratiques.  Tout changement managérial, et  toute modification des techniques utilisées doivent donc correspondre à un contexte et un environnement, et non pas simplement à un coup de tête L’un des outils, pour ne pas dire «modèle  d’analyse», permettant de s’interroger sur le niveau d’adéquation entre le modèle de management utilisé et d’évaluer l’opportunité de le faire évoluer pour que l’organisation soit mieux
adaptée à son nouvel environnement est le modèle V.U.C.A. (Volatility, Uncertainty, Complexity et Ambiguity).

  • Volatilité. Un exemple est le marché du transport automobile de voyageurs, autrefois du seul ressort des compagnies de Taxi. Ce marché a profondément et rapidement été transformé avec  l’apparition des VTC (Uber) puis du co-voiturage (BlaBlacar) et, plus récemment, la location de véhicules entre particuliers (Ouicar).
  • Incertitude. Les grandes métropoles étaient incapables de prévoir l’arrivée des trottinettes et des vélos électriques, qui ont bouleversé la circulation routière
  • Complexité. Le mouvement des «gilets jaunes» fut extrêmement complexe à gérer par le gouvernement, car il n’avait pas de leader. Et lorsque certains pouvaient être reconnus, ils étaient rapidement «limogés» par les adhérents au mouvement. Difficile de négocier avec des milliers de Français
  • Ambiguïté. Les réseaux sociaux et les nouvelles technologies ont pu rapprocher les gens, mais ont aussi eu pour effet de les éloigner (on entend fréquemment en entreprise des personnes reprocher à certains de leurs collègues de communiquer par mail alors qu’ils sont à un mètre de distance).

Admettre que tout environnement est Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu, c’est comprendre que la nécessité d’innovation réside dans l’anticipation de tout changement.

Les autres origines de l’innovation managériale sont diverses :

  • Le mimétisme ou l’inspiration : découvrir un nouveau mode de management qui fonctionne ailleurs et décider de le déployer.
  • L’effet de mode : mise en place du management Agile, parce que c’est celui dont on parle le plus.
  • La pression sociale : innover parce que tout le monde parle d’innovation et que le changement, peu importe son objet, justifie à montrer que l’on innove.

L’une des innovations les plus remarquables se situe dans le déploiement généralisé du télétravail, consécutif à la pandémie Covid19. Dans de nombreux secteurs, dont celui des ESSMS, le télétravail n’avait jamais été envisagé, et celles et ceux qui se risquaient à l’évoquer s’exposaient parfois à de très virulentes critiques. Aujourd’hui, il fait l’objet d’accord d’entreprise et est considéré comme un mode d’organisation du travail parmi d’autres. Il s’agit donc d’innovation organisationnelle. Mais la plus grande difficulté a été pour les cadres et les équipes dirigeantes de déployer un «management à distance» pour lequel ils n’avaient pour la plupart jamais été formés. L’innovation organisationnelle a dû s’accompagner d’innovation managériale. Les deux ayant pour origine une situation totalement imprévisible.

La capacité à s’adapter, que ce soit pour les salariés ou pour les équipes d’encadrement, a été largement démontrée.

Après un démarrage chaotique, le rythme a été trouvé, et les erreurs managériales ont été progressivement corrigées. Cette période a été une excellente démonstration de la difficulté à appréhender de nouvelles pratiques, qui le cas échéant étaient impossibles à anticiper. Il s’agit donc d’innovation contrainte, mais dont les effets ont pu être capitalisés pour devenir une forme de travail et de management presque banalisés.
Mais dans ce cas, quel est le sens du télétravail aujourd’hui ? Comment interroger et analyser cette pratique commune alors que l’État n’y contraint plus les employeurs depuis le 1er septembre 2021 ?

V – INNOVATION MANAGÉRIALE ET SENS DU TRAVAIL : UNE RELATION CONTEXTUELLE

En ce qui concerne le télétravail, les effets positifs qui avaient déjà été démontrés depuis de nombreuses années ne se sont pas démentis. En 2018 (9), soit un an avant la crise Covid19, l’Obergo  (OBservatoire du télétravail, des conditions de travail et de l’ERGOstressie), publie le résultat d’une enquête sur les principaux effets du télétravail pour les salariés. Plus de huit télétravailleurs sur dix notent en particulier des améliorations sur leur qualité de vie personnelle et familiale et sur la répartition « temps professionnels/sociaux/familiaux/personnels», directement liées à la disparition du temps de trajet du soir.
L’absence de trajet ces mêmes jours se traduit également, dans les mêmes proportions, par une diminution de la fatigue physique et du stress liés aux transports et des conséquences positives sur la santé des télétravailleurs. En substance, les conclusions de l’enquête montrent les résultats suivants (10) :

  • Le télétravail est à consommer sans hésitation, mais avec modération et précautions. L’enquête fait apparaître que les impacts positifs sont largement supérieurs aux impacts négatifs.
  • Les impacts négatifs apparaissent surtout pour les durées de télétravail supérieures à 2 jours par semaine.
  • Plus de huit télétravailleurs sur dix notent une amélioration de la qualité de leur travail et de leur productivité. En effet, ils sont moins interrompus pendant leur activité, disposent de conditions plus propices à la concentration et remplacent fréquemment le temps de trajet par un démarrage plus matinal de leur journée de travail.

 

L’enquête confirme que les effets négatifs pour les salariés, dont l’augmentation de la charge et du temps de travail, sont plus notables quand le télétravail dépasse deux jours par semaine.

Pour la protection de la santé physique et mentale des télétravailleurs, il est donc recommandé de fixer des règles strictes, de cadrer cette modalité d’organisation et de formaliser par écrit ces dispositions, même en cas d’absence d’accord collectif ou de charte. Ces données témoignent de l’importance de la mise en place de cette nouvelle forme de travail «délocalisée» et de son impact sur la qualité de vie des salariés et sur celle du travail. Avec un management adapté, ce serait donc l’une des innovations que l’on pourrait retenir, et qui au regard de ces effets positifs pourrait
être considérée comme un élément concourant à l’augmentation du «sens du travail» pour les salariés.
Mais la généralisation du télétravail, ou le déploiement de l’innovation managériale ne se relient pas si facilement à la notion de «sens du travail», et le faire constituerait même une grossière erreur. En effet, le «sens du travail» n’est pas une déclaration absolue et homogène de laquelle chaque individu se saisirait en y mettant le même contenu.
«Le travail permet d’assurer la subsistance et des conditions de vie décentes, c’est certain, mais ce n’est pas là son seul intérêt. Il est avant tout une activité par laquelle une personne s’insère dans le monde, exerce ses talents, se définit, actualise son potentiel et crée de la valeur, qui lui donne, en retour, un sentiment d’accomplissement et d’efficacité, voire peut-être un sens à sa vie (…) Parce que le travail permet à la personne de produire des résultats qui lui sont singuliers, parce que ses produits sont utiles, servent à quelque chose, il permet à la personne de faire la preuve de son existence, de se reconnaître et d’être reconnue». (11)

En psychologie, le sens se rapporte essentiellement à l’expérience de cohérence, de cohésion, d’équilibre, voire de plénitude. Le sens est aussi associé à la raison d’être et de vivre, à la vocation (12).
Le schéma proposé par Estelle Morin illustre cette définition.

Sens du travail =

  • La signification du travail, les représentations du travail, la valeur du travail aux yeux du sujet
  • La direction, l’orientation du sujet dans son travail, ce qu’il recherche dans le travail et les desseins qui guident ses actions
  • L’effet de cohérence entre le sujet et le travail qu’il accomplit, entre ses attentes, ses valeurs et les gestes qu’il exécute quotidiennement dans le milieu de travail

Comment affirmer que la signification, l’orientation du sujet, les éléments de cohérence qui interviennent entre le sujet et son travail soient les mêmes pour tous ? Tout l’Art du management réside sur ce point. Ne pas manager un collectif, mais des individualités, qui vont trouver dans le travail un sens qui leur est propre, selon des déterminants bien spécifiques.
Les facteurs de motivation sont l’illustration précise de cette nécessaire individualisation.

Il est communément admis que la motivation des salariés repose sur trois facteurs :

  • la rémunération qu’ils obtiennent pour le travail effectué
  • l’adhésion à la mission et aux objectifs qui sont confiés
  • le contexte et l’ambiance dans lesquels ils travaillent (culture d’entreprise)

Mais à ces trois facteurs qui permettraient d’envisager les grandes lignes d’un mode management efficace, on sait que s’ajoutent la situation personnelle du salarié (âge, ancienneté, santé, environnement, situation familiale…) et sa personnalité. Pour chacun d’entre eux, le sens du travail va donc revêtir une forme bien particulière.

Une équipe de professionnels ne s’envisage pas de manière monolithique.

Il est donc opportun de concentrer son effort managérial sur des actions veillant à garantir ce que l’ensemble des salariés semblent rechercher sur leur lieu de travail : un climat social favorable,  une bonne communication, des interactions de qualité, la valorisation des actions et des compétences, l’équité, la prise en compte des individualités et des points de vue. À ces axes de travail  s’ajoute donc la création d’une relation singulière avec chacun, qui permettra d’ajuster les actions au regard de leurs besoins spécifiques. Pour certains, la reconnaissance sera un levier puissant,  pour d’autres l’implication dans des projets, pour d’autres encore la rassurance d’activités routinières.
L’explication suivante, issue d’une recherche menée par Estelle Morin en continuité des données précédemment présentées, montre les caractéristiques d’un travail qui est porteur de sens aux yeux des salariés.

Caractéristiques du travail 

  • Utilité sociale du travail : Faire quelque chose qui est utile aux autres ou à la société, qui apporte une contribution à la société
  • Rectitude morale du travail : Faire un travail moralement justifiable, autant dans son accomplissement que dans les résultats qu’il engendre
  • Occasions d’apprentissage et de développement : Faire un travail qui correspond à ses compétences, qui stimule le développement de son potentiel et qui permet d’atteindre ses objectifs
  • Autonomie : Pouvoir exercer ses compétences et son jugement pour résoudre des problèmes et prendre des décisions qui concernent son travail
  • Qualité des relations : Faire un travail qui permet d’avoir des contacts intéressants et de bonnes relations avec ses collègues

L’innovation managériale sera donc à convoquer si vous faites le constat de l’inefficacité de votre management quant à l’atteinte de ces objectifs et d’une mauvaise exécution des missions qui sont confiées.

CONCLUSION : ÉVOLUTION MANAGÉRIALE OU INNOVATION MANAGÉRIALE ?

L’évolution peut se définir comme étant un processus de transformation, de changement. Le mot semble très approchant de la définition de «l’innovation». Mais cette proximité sémantique ne suffit pas à appréhender les deux termes comme des synonymes. En effet, l’innovation managériale doit s’envisager comme étant la conséquence d’une évolution, qu’elle porte sur le  fonctionnement (ou le dysfonctionnement) d’une organisation, d’une activité, d’un marché, d’un public, des salariés.
Ces dernières années ont connu un ensemble d’évolutions sociales qui ont marqué plus ou moins profondément la société et qui se sont logiquement déportées au sein des organisations.

En 2019, l’INSEE publiait son rapport annuel «France, Portrait social», s’appuyant sur l’ensemble des données recueillies depuis le milieu des années 1970. Ce rapport permet de s’approprier quelques pistes empiriquement observées permettant de comprendre l’évolution de la société française.
Maternité de plus en plus tardive, baisse du niveau de vie des familles monoparentales, augmentation du souhait de transformation de la société, famille de moins en moins considérée comme seule source de bien-être au profit des loisirs, du travail et des amis, etc.

À ces évolutions, s’ajoutent l’apparition des nouvelles formes d’entrepreneuriat et du rapport au travail (apparition de l’auto-entrepreneuriat, mandataires judiciaires en libéral), l’utilisation généralisée des nouvelles technologies, l’aire du numérique, de la digitalisation, et de l’abondance technologique, les nouvelles conceptions des espaces de travail (co-working, open office), la flexibilité des horaires, le rapport à la hiérarchie et à l’autorité, etc.
Comment ne pas considérer que ces évolutions n’impactent pas nécessairement l’univers du travail, et par conséquent, le management ? Pouvait-on imaginer il y a quelques années parler de Lean Management, Management Agile, ou Neuromanagement dans le secteur des ESSMS ? L’innovation managériale ne serait-elle pas tout simplement une évolution du management ?
Manager aujourd’hui relève d’une aventure complexe. Atteindre un bon niveau de satisfaction des professionnels et garantir leur engagement et la qualité de leur travail recouvrent des missions protéiformes nous l’avons compris. Il serait donc dommage de se conformer à des pratiques/connaissances un peu sédimentées, souvent les seules qui ont été transmises par le biais des  formations initiales. Elles ne permettent pas d’envisager la diversité des outils et des méthodes qui existent aujourd’hui, et qui sont développés dans d’autres secteurs, parfois très éloignés des nôtres.
De plus, nous l’avons constaté au cours de nos missions, à cette méconnaissance de la diversité des méthodes, certains dirigeants révèlent ne pas s’autoriser à les envisager, pensant que leur implantation serait trop difficile ou trop audacieuse. L’idée n’est pas de faire un «copier/coller» de ce qui se fait dans d’autres secteurs professionnels, mais bien de s’interroger sur la possibilité d’emprunter certains outils et de les adapter pour donner une réponse favorable – et innovante – aux problématiques rencontrées.
Modifier sa posture et ses pratiques managériales reviendrait donc à s’interroger sur les évolutions qui traversent les organisations, et qui pourraient être à la base d’une dynamique d’innovation.
Les professionnels se sentent-ils toujours en confiance ? Ont-ils besoin de davantage de responsabilité? D’autonomie? Les pratiques jusqu’ici déployées sont-elles toujours aussi motivantes? Quel est le niveau de qualité de vie au travail? Souffrons-nous d’un turn-over trop important? Qu’est-ce qui nous empêche d’être davantage audacieux, créatifs? Etc.

Selon les réponses obtenues à ces questions, soulevant la nécessité d’adaptation régulière aux changements qui traversent l’écosystème de toute organisation, vous saurez s’il est temps de faire évoluer vos pratiques en impulsant de véritables actions d’innovation managériale.

 

Sources

(1) Hamel, G., La fin du management – Inventons les règles de demain, Vuibert, 2008

(2) IINSEE, Les entreprises en France, coll. INSEE Référence, 2019, p. 140. Les deux catégories d’innovation sont conformes aux concepts définis dans la 4e édition du manuel d’Oslo. L’enquête capacité à innover et stratégie (CIS) se base sur ce dernier, et est harmonisée au niveau européen.

(3) Boyer, F., Innovation managériale en action, Eyrolles, 2020.

(4) Ibid.

(5) Littéralement «comité exécutif de l’ombre». C’est un concept qui consiste à laisser la parole aux jeunes cadres des organisations pour insuffler des décisions innovantes concernant la stratégie  de l’entreprise. Dans certaines d’entre elles, ces instances permettent de réconcilier la théorie (une stratégie) et la réalité (l’exécution de la stratégie). C’est donc bien un moyen pertinent d’avoir un retour non seulement sur la vie de l’entreprise, mais également l’exécution des grandes lignes stratégiques. En découlent des modulations de la stratégie, et les adaptations attendues par les salariés.

(6) Les «cols blancs» désignent les professionnels qui travaillent dans les bureaux, à des places plus ou moins stratégiques et décisionnelles alors que les cols bleus désignent traditionnellement
les ouvriers, les professionnels de terrain.

(7) Mintzberg, H., Le management – Voyage au centre des organisations, Eyrolles, 1989

(8) Voir le modèle d’analyse V.U.C.A.

(9) Le même type d’enquête avait été mené en 2010, 2012, 2013 et 2015

(10) OBERGO – Enquête «Impacts du télétravail 2018» – version du 16 mai 2018 – p.3

(11) Morin, E. et Forest, J., «Promouvoir la santé mentale au travail : donner un sens au travail», in Revue Gestion, volume 32, numéro 2, 2007

(12) Frankl, V., Découvrir un sens à sa vie, Les éditions de l’Homme (première édition 1969), 2021.

(13) Issu des neurosciences, de la psychologie cognitive, de la neuropsychologie cognitive et de l’imagerie cérébrale qui ont permis de montrer une corrélation entre mal-être au travail et activité  cérébrale, avec pour objectif de limiter le stress au travail en créant une meilleure ambiance de travail, en améliorant le bien-être de chaque collaborateur et en favorisant la créativité.

Innovations dans l’entreprise et management positif

Management positif et leadership

Le leadership est une qualité nécessaire à l’exercice du management. Pourtant il est parfois mal évalué. Les entreprises sous-estiment le leadership de certaines personnes dans leurs équipes, ce qui peut favoriser l’émergence de contre-pouvoirs. Le bon repérage du leadership est un levier qui peut faire grandir la compétence globale de l’entreprise.

Comment définir le leadership ?

Le leadership doit être une dynamique positive et pas un exercice du pouvoir. L’exercice du pouvoir s’exerce quoi qu’il en soit à travers une autorité hiérarchique. Le leadership est une autorité naturellement admise qui ne nécessite pas d’avoir recours à un statut.

La sérendipité fait-elle partie des approches de votre travail ?

La sérendipité est un terme  technique, un vocabulaire de chercheur qui n’est pas en soi utilisé par les entreprises. C’est un processus permettant de découvrir des phénomènes « par hasard »,  ce qui ensuite autorise les entreprises à capitaliser la découverte et à l’intégrer dans l’expérience. Philippe Gabilliet nous explique que c’est la sérendipité qui a été l’occasion de découvrir que plus on est positif dans une entreprise, mieux cela fonctionnait. C’est ce qu’il faut donc retenir : l’approche positive du management, la faculté de proposer une gestion des ressources humaines qui laisse le droit de faire, de proposer, d’oser est l’une des voies d’accès à la réussite de l’entreprise.

Comment pratiquer le management positif ?

Par la valorisation de ce qui est fait par chacun en première intention. Je recherche ce qui se passe bien dans une organisation et j’essaye de comprendre les logiques des individus, pour partir d’eux-mêmes et en situation. C’est le cas par exemple dans le management générationnel. Dans ce cas, le management positif nécessite de se saisir du cadre de référence de la génération dont les salariés d’une équipe sont issus et quels sont les leviers de coopération qui peuvent être activés, au lieu de forcer les collaborateurs à entrer dans un cadre qui n’est pas le leur.

L’enthousiasme exprimé par Philippe Gabillet, professeur de leadership à l’ESCP Europe dans la vidéo qui suit, illustre très bien le sentiment que je partage dans mon travail de conseil, d’expertise et de coaching. L’enthousiasme est un état d’esprit, une posture qui alimente le courant du « bien être au travail », un esprit positif qui participe activement au fait que le travail ne doit plus être un lieu de contrainte et de violence symbolique. Le résultat obtenu auprès des personnes accompagnées, notamment dans l’amélioration des comportements et des relations dans l’entreprise est un moteur de satisfaction dans mon investissement quotidien auprès des organisations.

Télétravail : conseils de mise en place

Télétravail : les données qui existent

C’est sans doute le meilleur moment pour le tester. Ces dernières années, l’intégration du télétravail dans les entreprises a nettement modifié leur fonctionnement, tant dans les habitudes des salariés que de leurs managers. Rappelons que le télétravail est régi par le Code du travail depuis 2012 (loi Warsmann), et par l’ordonnance de 2017.

Depuis 4 ans plusieurs enquêtes se sont succédé pour faire un point sur les attentes, les vertus, les représentations du télétravail. Nous citerons parmi elles :

  • L’étude Randstad Award 2016
  • Le  baromètre numérique 2017 du Crédoc
  • L’enquête de l’Obergo « impact du télétravail 2018″
  • L’étude Malakoff-Médéric 2018

Ces travaux présentent en substance les résultats suivants :

Engouement des salariés pour le télétravail 

  • Amélioration de la qualité de la vie personnelle
  • Diminution de la fatigue physique liée aux transports
  • Amélioration de la productivité
  • Amélioration de la qualité de vie au travail

Télétravail : mise en place

En ces temps de crise de santé publique, la prévention des risques suppose donc d’envisager, d’encourager, d’imposer, le télétravail. Il s’agit de lutter contre la pandémie qui sévit, tout autant que de faire preuve de responsabilité éthique et managériale. Nous le savons tous les secteurs de l’économie ne sont pas adaptés à la mise en place du télétravail, et pour ceux-là, les solutions de protection seront inédites, peut-être radicales, mais pour les autres, il en va d’un comportement vertueux.

Cela dit, comme les données précédentes le montrent, les salariés y sont majoritairement favorables. Enfin une bonne nouvelle.

Lorsque la mise en place du télétravail n’a jamais été pensé dans l’entreprise, le déploiement du dispositif nécessitera une véritable efficience pour répondre à une question simple : comment ?

Mettre en place le télétravail est généralement une occasion de concertation, d’échanges, de négociation entre salariés, managers, dirigeants, mais là nous le savons, la multiplication des réunions n’est pas de mise. C’est l’efficacité qui doit primer.

Quelques conseils :

  • Définissez à partir des postes et des fonctions, la nature opératoire du travail à produire (ce qui est possible ou pas de chez soi)
  • Établissez une feuille de route de manière à faciliter le repérage des attendus pour vos collaborateurs
  • Vérifiez les moyens techniques mis à disposition des salariés (cohérence attendus/faisabilité)
  • Mettez en place une procédure et une cadence de reporting
  • Mettez en place un tableau de bord de suivi des activités
  • Prévoyez et organisez des visio-conférences pour faire des points réguliers sur l’avancée du travail, les résultats etc.
  • Rendez-vous disponible ; gardez votre rôle de fonction support

Télétravail et management

L’ennemi du télétravail demeure la peur du manager que les salariés ne s’acquittent pas du travail qui leur est dévolu.

Il va falloir lâcher prise.

Effectivement en télétravail difficile de vérifier si un tel est arrivé à l’heure, si une autre ne passe pas « trop » de temps à la machine à café, si les pauses ne s’éternisent pas, si le temps du travail n’est pas consacré à des activités personnelles, etc. Le télétravail c’est avant tout faire confiance, responsabiliser, accepter la zone d’incertitude qui existe dans la gestion d’une organisation, et rompre avec une vision managériale un peu trop ancrée dans la surveillance.

Si la mise en place du dispositif est bien structurée, vous pourrez suivre sans difficulté le travail de vos collaborateurs. Mais attention à ne pas tomber dans l’excès inverse : le sur-contrôle à distance !

Au contraire, restez disponible (ce qui ne signifie pas « être à disposition »), et veillez à conserver un peu de convivialité dans les échanges. Le plus difficile dans la distance, c’est le maintien du lien, du sentiment collectif d’appartenance, de l’identité collective, du corporate. Ces points seront donc à travailler tout autant que les matrices de reporting.

Si le télétravail n’a jamais été envisagé dans votre entreprise, il se mettra en place et fera l’objet de réajustement réguliers, ne l’envisagez donc pas de manière figé et acceptez qu’il évolue et prenne sa propre forme, voire son propre format.

Une mise en place optimisée du télétravail sera la rencontre entre les attendus des managers, la pratique des salariés, et un bon sens collectif !

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QVT : réduisons la charge mentale ?

Charge mentale ou stress ?

De nombreux collaborateurs sont véritablement impliqués dans leur travail et déploient une énergie remarquable pour le faire au mieux. Mais paradoxalement cette énergie est parfois parasitée par un éparpillement qui nuit à leur efficacité et accroît leur fatigabilité. Combien de bureaux dans lesquels nous sommes entrés, qui débordent de papiers entassés, d’affichage en tout genre, de post-it décorant les abords d’un écran d’ordinateur.  Sans parler de ceux, celles, qui se rassurent encore en glissant leur agenda papier dans leur sacoche, lui aussi gonflé d’une multitude de documents importants. Autant d’informations que le cerveau traite en permanence parce qu’elles font obstacle au regard, autant d’élément qui s’ajoutent à la charge mentale quotidienne. La charge mentale est un concept sociologique initialement étudié à partir de la charge cognitive que représentent les éléments du quotidien domestique (rendez-vous médicaux à prendre, liste de courses, tâches ménagères, trajets liés aux loisirs des enfants, etc.) et dont les enquêtes ont montré qu’elle impactait essentiellement les femmes. Progressivement, le concept s’est étendu et s’est déplacé dans l’analyse de certaines situations de travail.

De quoi s’agit-il ? Le travail a changé, et le rapport au travail a changé. L’arrivée des techniques notamment, a permis de gagner en efficacité et en performance, tant au niveau de la communication sous toutes ses formes, que dans l’environnement du travail, son organisation, son cadre. La charge mentale au travail se traduit aujourd’hui par la pression psychologique qui s’exerce sur les individus dans de nombreux segments de leur activité. Le fameux « Penser à… », « Ne pas oublier », « Urgent ! », s’ajoutent aux impératifs de concentration, de minutie, de rigueur, de qualité, qui s’imposent dans quasiment tous les domaines professionnels. Sans parler des tensions dans les interactions, des formes managériales discutables, d’une concurrence toujours plus agressive, et de la question centrale de l’atteinte des objectifs. Alors me direz-vous, travailler a toujours supposé d’y consacrer ses pensées et son énergie, tout en étant soumis à un certain nombre de contraintes. Effectivement. Mais il est impossible de ne pas intégrer ce qui depuis quelques années a accru la pression qui s’exerce sur les professionnels, à partir notamment d’une exigence de communication réactionnelle devant se teinter d’une quasi instantanéité.

S’agit-il de stress ? Oui, et non. La charge mentale (on parle même parfois de sur-charge mentale ) est un état de sur-sollicitation qui finit par épuiser l’individu vivant dans la crainte de ne pas s’acquitter correctement de telle ou telle tâche, devant gérer des injonctions diverses, voire paradoxales, et luttant quotidiennement contre le temps. Le stress n’est que la conséquence de cet état. C’est la manifestation symptomatique d’un état de nervosité et d’inquiétude important, qui va se traduire par l’ensemble des troubles que nous connaissons tous (douleurs dorsales, fatigue chronique, troubles du sommeil etc.).

Charge mentale ou charge de travail ?

JC. Sperandio, en 1972, soulignait la chose suivante : Le point de départ des études de charge de travail est constitué généralement par un problème pratique qui se pose « sur le terrain », et qui exige rapidement une réponse ou une solution. Le plus souvent il s’agit de définir des seuils pour des tâches données, au-delà desquels on pourra s’attendre lors de l’exécution de ces tâches à des dégradations diverses : baisse de la performance, apparition de symptômes de fatigue, augmentation du risque d’accident ou d’erreurs graves etc. (…) A ce stade, les problèmes de charge se posent dans la mesure ou ceux-ci déterminent le niveau de charge de travail. (« Charge de travail et régulation des processus opératoires », in Le travail humain, Puf). Si le sujet de la charge mentale, du moins explicité comme tel, n’est pas concrètement évoqué, ne parlons-nous pas de la même chose ? La question de la pression psychique, telle que décrite aujourd’hui, bénéficie de la démocratisation et de la familiarisation des sciences humaines qui ont, sous des formes bien diverses, envahie nos kiosques et nos pages Internet. De la même manière, la QVT (Qualité de Vie au Travail) devient une préoccupation majeure, conséquence des tragédies qui ont émaillées certaines entreprises ou secteurs professionnels par le biais des suicides de certains salariés. La prévention des risques psychosociaux a ainsi fait son apparition, et ainsi, ouvert le portail de tous les travaux de recherche et d’enquêtes portant précisément sur cette question de l’amélioration de la QVT.

Tout est question d’organisation ?

La gestion de la charge mentale se situe au carrefour de l’individu et de l’organisation du travail. Ce qui est externe, et ce qui est interne. En effet, il est des collaborateurs qui naturellement ne se laisseront pas envahir par le spectre de l’excès de pression, trouveront des solutions adéquates, modifieront leur rapport au travail et aux formes matérielles qu’il prend, utilisant la technologie à leur service plutôt que d’en subir les effets. Ceux-là, la plupart du temps, ne seront pas impactés. Du moins le suppose-t-on. Mais restons vigilants, personne n’est véritablement à l’abri. Nous avons constaté que les accompagnements de type « coaching » qui nous sont demandés, s’adressent de plus en plus souvent (mais pas uniquement !) à des professionnels qui ont un très haut niveau de compétences techniques, mais démontrent d’un défaut d’organisation, se laissant parasiter par un foisonnement d’informations à traiter ou auxquelles réagir, sans plus arriver à les hiérarchiser. La tension monte.

La plupart du temps nos actions s’adressent à des managers, et ce sont ceux-là, justement, qui sont soumis à la plus importante des charges mentales, pris en étau entre les orientations descendantes et les résistances ascendantes. La démarche managériale, celle dans laquelle ils s’engagent et celle qu’ils déploient, demeure donc centrale. Souvent, l’environnement matériel du travail est le premier marqueur, de ce qui relie le professionnel à ses missions. Sans entrer dans le sempiternel débat du bureau rangé ou du bureau surchargé, un mur tapissé de documents, un bureau coloré de notes diverses, des bouts de papiers accrochés à l’écran de l’ordinateur, sont déjà le témoignage d’une imminente surchauffe. Comment faire ainsi la différence entre ce qui est prioritaire, urgent, ou tout simplement : évident ?

Réduire les risques liés aux pressions du travail, améliorer la QVT, et rendre efficace les collaborateurs, passent très souvent par une démarche d’émancipation mentale qui va en premier lieu s’exercer sur cet environnement matériel, sur cette morphologie de l’espace de travail. S’organiser, ne pas se laisser envahir, se libérer de ce qui pollue. Pour autant la tâche n’est pas facile. Le papier, la note, exercent aussi des fonctions psychiquement rassurantes. Combien des professionnels que nous avons accompagnés ont été effrayés lorsque nous leur avons annoncé que bientôt leur affichage serait réduit de plus de 80 % !

Et pourtant. Une fois dépassée l’inquiétude d’être dépossédé d’une façon de fonctionner, les bienfaits de la rationalisation de l’information œuvrant au service de la libération mentale, n’est plus à démontrer. Elle permet de se consacrer plus favorablement à ses activités tout en se prémunissant du spectre de la charge mentale qui quoi qu’il en soit, hantera les couloirs du bureau.

Alors ? On s’organise ?!

ensavoirplus

Management et philosophie

Management et philosophie : un éclairage inédit

C’est une approche intéressante que celle de mêler la philosophie et le management. Et c’est ce que nous proposent Isabelle BARTH et Yann-Hervé MARTIN dans cette ouvrage riche en pistes de réflexion. La première est professeur agrégé en sciences de gestion et directrice générale de l’Ecole de management de Strasbourg, le second est agrégé de philosophie, et professeur en classes préparatoires. « Rien de semblait prédestiner le monde du management et celui de la philosophie à se rencontrer. Pourtant, la crise est passée par là, remettant en causes les certitudes les mieux assurées, faisant bouger les frontières. Le monde du management se voit dans l’obligation de réfléchir autrement, celui des philosophes cherche à mieux s’investir dans les affaires communes« .

Les deux mondes sont certes éloignés, et souffrent de représentations respectives assez enkystées. Les professionnels du management insérés dans des entreprises aux tailles inégales ne seraient animés que par l’atteinte de leurs objectifs et la recherche du profit, les philosophes dignes héritiers de penseurs antiques ne seraient plus vraiment connectés à la réalité, trop éloignés d’elle par des considérations idéalistes et utopiques. Comment faire meilleure caricature ? Pourtant, dans les accompagnement managériaux que nous déployons, cette caricature pourrait bien prendre place à notre table à l’heure du déjeuner.

Pourtant, et nous le savons, le management moderne doit se nourrir de diverses disciplines, et sa tendance à la technicisation nous pousse à l’erreur. C’est bien l’humain qui est au centre des préoccupations du manager, et la philosophie n’est-elle pas profondément ancrée dans l’humain et sa condition ?

Rapport au travail, management et philosophie

Si l’on s’interroge comme nous y invite (entre autre) l’ouvrage, à réfléchir sur le rapport au travail et son évolution, imaginer manager seulement à partir des enjeux d’une organisation, sa structuration et ses objectifs est bien plus utopique que les considérations que l’on pourrait nourrir sur la philosophie elle même. Lorsqu’on manage, lorsqu’on a l’expérience des dynamiques qui traversent les organisations,  de l’ensemble des problématiques que cela recouvre aujourd’hui, des difficultés quotidiennes inhérentes à la gestion de l’humain, on ne peut que se nourrir d’un angle d’approche différent et inédit.

En page 71, les auteurs pose par exemple la question suivante : où en est la concurrence travail-famille ? N’est ce pas une question qui se pose dans toutes les entreprises aujourd’hui ? Depuis le recrutement jusqu’à la gestion des congés, les fêtes de fin d’années, les mercredi en RTT ?

Cet ouvrage s’inscrit dans l’approche contemporaine du management, qui suppose de se questionner plus que d’appliquer des méthodes et des techniques, qui suppose d’adapter son action à un ensemble plus global de considérations, de se poser les bonnes questions, et d’imaginer des réponses protéiformes adaptées au monde qui est le nôtre.

 

Le Manager & le Philosophe

Femmes et hommes dans l’entreprise : les nouveaux défis

par Isabelle BARTH et Yann-Hervé MARTIN

aux éditions Le Passeur

 

https://www.ihos.fr/

Le stress des Dirigeants, un article IHOS

Le stress des Directeurs(trices)

Des professionnels à l’épreuve de l’inaptitude organisationnelle et du goût du challenge

Le stress au travail est malheureusement devenu une notion presque banalisée, qu’il faut accompagner et réduire, inscrite en bonne place au tableau des Risques Psycho-Sociaux et de leur prévention, et appréhendée essentiellement du point de vue des équipes. La question du stress des dirigeants, elle, se pose beaucoup moins. Pour autant, nous avons pu constater, et la plupart du temps au cours d’échanges informels, ce qui n’est pas dénué de sens, que si le mot n’était quasiment jamais prononcé, ses symptômes eux étaient très clairement observables. Le stress des dirigeants serait donc chose tacite, ce qui en soi constitue problématique à part entière. Qu’existe-t-il entre représentations et réalité, chose ressentie, subie, et chose énoncée, et qui interviendrait, s’imposerait, comme garantie d’une image préservée dans cette espace public professionnel, que l’on pourrait résumer ainsi : un Directeur ne faiblit pas. Du moins, ne l’exprime t-il pas en ces termes. Quels sont aujourd’hui les ressorts qui interviennent dans l’augmentation de ce stress, de cette fatigue, cette lassitude, énoncées, elles, comme directement imputables aux multiples contraintes qui traversent les établissements et le secteur au sens large, et quels sont les leviers potentiels pour les réduire ?

Les dirigeants à l’épreuve de la postmodernité

Depuis 16 ans, l’ensemble des réformes qui ont traversé le secteur a permis une avancée dans les logiques de travail et leur structuration. Mais comme le précise Jean-Michel Abry dans son article du N°91 de la revue Connexions – Management et contrôle social[1] : Les responsables se trouvent face à un environnement réglementaire qui ne les aide pas. En effet, ils sont bien souvent submergés par une avalanche de textes très technocratiques qui se veulent exhaustifs (sans jamais vraiment y parvenir), textes parfois inapplicables, incompréhensibles, complexes, qui se modifient sans cesse et génèrent ainsi une instabilité dont la finalité n’est pas toujours le progrès de l’ensemble du système. La transformation du paysage institutionnel, l’arrivée des ARS et de leurs injonctions, l’appareil normatif imposant des mises en conformité régulières et très procédurales, exercent leurs contraintes sur le quotidien des Directeurs(trices) qui ont nécessairement dû intégrer à leurs agendas et à leurs modes de management ces vecteurs de conformité et de performances.

Imaginer que cette intégration puisse se faire sans conséquence sur leur charge mentale serait un leurre.

De la même manière, les organes gestionnaires se sont nécessairement prémunis du passage dans la postmodernité organisationnelle. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Pour les postmodernistes, le monde est fondamentalement en devenir, changeant, fragmenté et disparate, rendant toute appréhension en terme d’éléments impossible. Le monde se construit dans l’interaction et l’interdépendance, au travers de micro-comportements et de pratiques qui se définissent mutuellement. Dans cette perspective, c’est la stabilité qui est un épiphénomène d’un monde fondamentalement indéterminé[2]. L’organisation ne serait plus une entité disposant d’une identité propre et faite d’éléments que l’on pourrait étudier indépendamment les uns des autres, l’expression accidentelle d’une multiplicité de micro-pratiques en intersection. Comme le soulignent F. Allard-Poesi et V. Perret[3], K. Weick[4]  avait déjà mobilisé cette notion pour définir l’organisation comme un ensemble de microprocessus et de pratiques inter-reliées. Il n’envisage cependant qu’une mise en relation de type causal (moyen-fin) de ces processus et pratiques alors que les postmodernes rejettent cette vision instrumentale. Pour sursoir à la conformité, et se prévenir des risques d’hétérogénéité organisationnelle, certaines Directions générales n’ont pas pu résister à la tentation de repasser à un mode centralisé des décisions, si ambitieuses ou anodines soient-elles, et souvent dans un objectif d’optimisation des procédures. Les Directeurs(trices) se sont donc vu allégés de certaines de leurs responsabilités, ce qui simultanément les a privé d’un mode de pilotage global et intégré de leurs établissements.

Nous avons notamment pu remarquer ce phénomène lorsqu’il s’agit de recrutement, sujet pour lequel bon nombre de Directeurs(trices) ne sont pas correctement formés, mais aussi pour lesquels ils ne sont plus véritablement décisionnaires. Pourtant, qui mieux qu’eux sont les meilleurs évaluateurs des besoins de l’établissement, tant en terme de compétences qu’au niveau d’un profil, d’une personnalité à trouver, qui saura s’agencer au mieux au sein des ressources humaines déjà en place ?

La vision des organisations s’est déplacée, et si dans l’extériorité, et sous certains aspects, on pourrait imaginer une simplification du métier des Directeurs(trices), l’effet produit a finalement été tout autre.

 Conceptions organisationnelles et compétences des dirigeants

Nous pouvons appréhender trois sortes de conception organisationnelle des relations humaines. Tout d’abord une appréhension mécaniste des établissements, incarnant les buts que les acteurs sont censés partager, établis par un top management, et valorisée par l’atteinte de ces buts. On retrouvera ici une vision sous-tendue par les fameuses valeurs associatives, qui ont donné sens aux établissements par la force de conviction et de militantisme portée par leurs dirigeants. Ces derniers faisant généralement partie des leaders charismatiques qui incarnaient à eux seuls un établissement et plus largement, une « cause ». La seconde approche, l’approche organiciste (H. Spencer, A. Espinas, R. Worms) se fonde sur la pensée du corps social de l’organisation à l’image du corps biologique. Cette vision repose en quelque sorte sur le mythe de l’unité, chacun étant pièce d’un tout dont chacune des parties répond de fait à une fonction nécessaire à l’ensemble. C’est un peu ce qui a encouragé le non moins fameux « management participatif », ou tout du moins, son intention. Enfin, et en opposition à la précédente vision : l’organisation comme territoire de luttes d’intérêts au sein duquel les enjeux de pouvoir et d’influence ne peuvent être en constante convergence (M. Crozier) et nécessitent une  distribution hiérarchique des fonctions régulatrices. Cette dernière approche est celle la plus communément répandue lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre un examen analytique des ESSMS.

Partant de ce dernier postulat, il serait naïf d’imaginer que le quotidien des Directeurs(trices) serait un fleuve tranquille (bien qu’il soit assez long !).

« Les composantes d’une organisation complexe sont des variables de nature très diverses : elles sont réciproquement irréductibles, interagissent sans cesse et produisent un ordre dynamique donnant lieu à des fluctuations et à des restructurations »[5].

Dans cette optique, exercer un métier de Dirigeant aujourd’hui, ne peut se concevoir sans y intégrer un accroissement des responsabilités, un redoublement de l’attention portée à tous les endroits de l’organisation, une volonté de maîtrise de l’appareil administrativo-règlementaire, de maintien de qualité de l’accompagnement des usagers cohérente avec leurs spécificités et leur évolution, une adaptation à la bureaucratisation des fonctionnements institutionnels, une Gestion des Ressources Humaines attentive et à fort enjeu, un pilotage financier stratégique,…et s’il reste du temps, un peu d’innovation !

Selon l’enquête[6] menée par S. Roussillon et J. Duval-Hamel, sur les savoir-faire des dirigeants, ceux-ci se caractérisent par la permanence d’une attitude positive, c’est-à-dire l’aptitude à réagir positivement devant les difficultés et de les considérer comme des challenges. L’enquête souligne que les dirigeants adoptent très généralement une posture « d’auteur de son destin et de son action », en gardant un sentiment de contrôle des situations et des actions. Ils font preuve d’une capacité de distanciation et de centrage leur permettant la nécessaire prise de recul à leur fonction, notamment par le biais des loisirs. Le contrôle, plus ou moins conscient, de l’image externe demeure prégnant. Il s’agit de faire « bonne figure » et paraître confiant, rester en contact avec ses émotions et ses modes de pensée pour agir de manière efficace. L’investissement et l’engagement au travail sont donc essentiellement centrés sur l’action, ce qui leur permet – utopiquement – de  gérer et maîtriser ces dites émotions. Ainsi, ils mettent en place une gestion organisationnelle ciblée de manière à se protéger des diverses déstabilisations auxquelles l’organisation est assujettie, en usant de systèmes filtrants. Par le traditionnel jeu de répartition des urgences et des priorités, ils répartissent leurs efforts par effet de focalisation, le tout augmenté par les bénéfices d’un réseau professionnel étendu.

 Leadership, performance et optimisme : une idéologie dominante

Dans sa conception traditionnelle, le leadership suppose d’adhérer à un modèle dynamique, incarnant solidité et confiance, de manière à pouvoir guider et inspirer positivement ses collaborateurs. Dans beaucoup de formations managériales, on retrouve d’ailleurs l’ambition de développer les compétences ou habiletés suivantes : influence personnelle (capacité de faire bonne impression et d’inspirer confiance) ; tolérance face au stress (capacité à se dépasser en situation de stress), tolérance face à l’incertitude (capacité de se dépasser dans des situations peu claires) ; développement des « soft skills » (compétences sociales et relationnelles) qui comprennent : d’être crédible et inspirant, conscient de soi et de l’image que l’on projette au quotidien, avoir une bonne estime de soi, maîtriser ses émotions, projeter une dynamique et une image positive ; etc. Le dirigeant se doit donc d’être un être humain éternellement en forme et capable de tout affronter – avec le sourire s’il vous plaît. Il occupe une place particulièrement estimée voire enviée, et symbolise la réussite. Il est une femme, un homme, aux qualités sensiblement supérieures à celles de ses collaborateurs, et qui lui ont permis de se hisser à ce fauteuil, ce qui nécessite ensuite chez lui – chez elle – d’en être constamment digne, prêt à relever tous les défis.

L’espace médiatique rapporte d’ailleurs souvent ces success stories, valorisant des dirigeants se mettant en scène dans des rôles très schumpétériens d’acteurs affichant réussite et conviction, innovation et engagement, croyance et optimisme. A présenter ainsi les dirigeants, quels qu’ils soient, et quel que soit leur secteur d’activité, on peut imaginer ce que pourrait signifier le moindre aveu de faiblesse, à la fois dans l’espace public et à la fois dans leur propre existence. A l’exigence sociale des qualités inhérentes à tout dirigeant, se greffe donc une espèce d’auto-conviction que « celui qui dirige ne faiblit pas ». Il mène le navire, doit prendre les bonnes décisions, doit veiller à la conformité règlementaire de son établissement, garantir santé organisationnelle et financière, sécurité et bon climat social. Le métier de Directeur(trice) est donc perçu, et vécu, comme un métier de conviction, à forte valeur ajoutée faite de reconnaissance, voire d’admiration. Les difficultés apparaissent comme des challenges à relever, encourageant un sentiment de contrôle personnel et d’obstacles enjambés dans une attitude résolument proactive. C’est à lui que revient l’élan de la motivation, la capacité à fédérer autour d’objectifs communs au sein de cette communauté d’appartenance terreau de la culture d’entreprise (d’établissement), et de laquelle émane les valeurs cohésives à travers lesquelles chacun/chacune, se reconnaît et se nourrit. L’idéologie managériale, portée et attendue, repose sur un positivisme à toute épreuve. Comme le souligne le sociologue Vincent de Gaulejac[7], « l’optimisation règne en maître. « Soyez positifs ! » est une injonction permanente. Il convient de pratiquer l’«approche solution », c’est-à-dire de n’évoquer un problème qu’à partir du moment où l’on peut le résoudre. On entend souvent des responsables déclarer à leurs subordonnés : « Ici, il n’y a pas de problèmes, il n’y a que des solutions ! » La pensée est considérée comme inutile si elle ne permet pas de contribuer à l’efficience du système ».

Ainsi, et de manière très inconsciente, cette dynamique constante permet aux Directeurs(trices) de se centrer davantage sur l’activité que sur la prise de conscience des représentations inconscientes associées au vécu du stress, qui devient subordonné à l’action. Le stress est devenu un état associé à un manque de professionnalisme, d’endurance, puisque justement, et jusque dans les formations initiales puis continues, un manager ne doit pas être sujet au stress, et si tel était le cas, il doit absolument le dominer et ne pas le communiquer. L’émergence de cette conception optimiste du risque sous l’angle du « risque positif », est facilement transposable à ce que l’on désigne par « stress positif ». Nous y reviendrons.

Stress et santé des dirigeants : entre déni et symptômes

Selon l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail (AESST)[8], le stress est considéré comme un des risques émergeants les plus préoccupants pour nos organisations. Ainsi, le stress toucherait 28 % des salariés européens (Occupational Safety and Health Administration, Enquête européenne sur les conditions de travail de La Fondation Européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, Dublin, 2000). En France, 23,2 % des salariés français seraient en situation de travail dite de «job-strain», c’est à dire pouvant impliquer des troubles de santé avérés (Guignon et al., 2008).

L’état de stress est défini comme survenant «lorsqu’un déséquilibre est perçu entre ce qui est exigé de la personne et les ressources dont elle dispose pour répondre à ces exigences» (définition de l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail, définition reprise dans l’Accord National Interprofessionnel français sur le stress au travail du 2 juillet 2008). Cet état de stress, lorsqu’il est chronique, peut provoquer divers troubles affectant la santé des salariés, les manifestations les plus graves étant la dépression, les troubles cardio-vasculaires ou encore l’épuisement professionnel ou le burn-out[9].

A l’occasion d’une table-ronde sur les directeurs victimes de risques psychosociaux (RPS) organisée par la GMF avec la FHF 23 janvier2014 à Levallois-Perret, l’Association des Directeurs d’Hôpital (ADH) et l’Association pour le Développement des Ressources Humaines des Etablissements Sanitaires et Sociaux (Adrhess), les acteurs en présence se sont intéressés aux Risques Psychosociaux auxquels les dirigeants d’ESSMS étaient exposés. La solitude paraît la plus criante chez les Directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, pour lesquels « le risque est majoré par l’isolement » des Ehpad et autres hôpitaux locaux, note pour sa part Danielle Toupillier, Directrice générale du Centre National de Gestion.

TTI Success Insights a résumé en une infographie l’étude d’OpinionWay pour l’assureur MMA menée en 2015, réalisée auprès d’un échantillon de 1 352 dirigeants d’entreprises, représentatif des entreprises françaises de moins de 50 salariés : 58% des dirigeants interrogés trouvent leurs journées stressantes  55 % pensent que le stress est l’origine de la dégradation de leur santé.

Le stress au travail du chef d’entreprise se traduit par :

des baisses de moral (55%)

  • de l’anxiété (52%)
  • des troubles du sommeil (47%)
  • un sentiment d’isolement (29%)

Complétant cette étude, une enquête menée par L’Observatoire Amarok[10] a démontré que 94% d’entre eux témoignent de souffrir d’insomnie.

L’Enquete Opinion Way de 2017 souligne elle aussi que le stress apparaît comme un facteur important, accompagnant les journées de plus d’un dirigeant de la région Occitanie sur deux, avec un impact néfaste sur la santé de 77 % des chefs d’entreprise. 44 % des dirigeants déclarent ressentir le besoin d’être aidés pour gérer leur stress, et 56 % aimeraient être accompagnés par un coach.

Le recueil de ces données souligne donc une réalité : celle du stress des dirigeants, avéré symptomatiquement, mais qui pour autant serait l’objet d’un déni de leur part, ne parvenant pas à se résoudre à associer leur image et leur conscience de soi, à ce stress réservé, « aux autres ».

Isabelle Barth décrit bien dans l’ouvrage qu’elle a co-écrit avec Yann-Hervé Martin, l’exigence personnelle et sociale des dirigeants quant à leur réussite : « S’il y a une injonction non négociable dans le monde de l’entreprise, une croyance qui résiste aux décennies qui passent, aux crises, aux modes managériales, c’est bien la réussite. Qui pourrait, dans le monde de l’entreprise, envisager d’être un perdant, un Loser, ou tout simplement un médiocre ? Qui pourrait s’avouer sans projet ? Sans ambition ? Sans perspectives de développement ? A part quelques discours de posture, qui se veulent à contre-emploi, peu de voix s’élèvent pour s’affirmer dans le renoncement à la trajectoire ou de le refus de tout type de progression. (…) Si la réussite est un impensé du management, elle n’est pas sans difficulté dans la vraie vie des entreprises et sa quête produit son lot de stress, de désespérance, de mal-être, de malaises psychosociaux, de recours à des psychotropes (…) Le discours managérial officiel n’intègre tout simplement pas le projet de non-réussite, même s’il peut admettre, pour mieux les corriger, l’échec ou le ratage (…) La réussite vue par le management est toujours fondée sur la notion de performance, réussir implique d’être performant. Cette performance étant de plus en plus identifiée comme individuelle, chacun est maintenant perçu comme comptable et promoteur de sa propre performance, ce qui peut être épuisant »[11].

Ayant la chance de travailler avec des professionnels de tous secteurs, je puis affirmer que si le monde des ESSMS subit moins les contraintes économiques et les logiques de marché que celui de l’entreprise, les approches managériales sont aujourd’hui quasiment identiques, et la rigueur de l’écosystème duquel les établissements font partie est à bien des égards analogue. Preuve en est, l’examen des travaux de l’Agence Nationale d’Appui à la Performance qui a intégré depuis quelques années le secteur social et médico-social, et qui par le biais du tableau de bord de la performance, publiait récemment[12] :

En 2009, l’ANAP lance la construction du Tableau de bord de la performance dans le secteur médico-social (TDB) commun à 20 catégories d’établissements et services médico-sociaux (ESMS). Le TDB présente la particularité d’être un outil : 

  • de dialogue de gestion entre les structures, les ARS et les Conseils départementaux,
  • de pilotage interne pour les ESMS,
  • de benchmark entre ESMS de même catégorie,
  • de connaissance de l’offre territoriale pour les ARS et Conseils départementaux,

 A compter de 2015, le TDB entre en période de généralisation, sur une période de 3 ans. Pour la deuxième année de la généralisation, les 13 régions de métropole rejoignent le Tableau de bord de la performance dans le secteur médico-social.

 

La culture de la performance a donc bien été intégrée au secteur des ESSMS, fatalement portée par ses Directeurs(trices), et simultanément accompagnée par l’apparition des symptômes du stress, et de leur déni. L’adrénaline de l’action et la nécessaire atteinte des objectifs fixés par les acteurs institutionnels, associées à la quête d’une qualité de prestation pour les usagers, observable et mesurable, a conduit les dirigeants à ignorer les signaux d’alerte de leur propre état psychopathologique ou à une sous-estimation des limites atteintes par leur organisme, sacrifié sur l’autel de l’efficacité et de l’image. Aux attendus institutionnels, aux exigences financières, sociales, politiques, s’ajoute la plupart du temps cette passion des Directeurs(trices) pour leur métier, traduite par une focalisation sur le plaisir au travail et cette adrénaline de la réalisation de soi, les conduisant à une surconsommation énergétique qu’ils n’évaluent pas comme pouvant être à l’origine de l’apparition du stress, et n’en entendant pas les symptômes.

 

Cette conception « jupitérienne » de la fonction et des missions, les encourage ainsi à une sous-évaluation de leur état de fatigue (quand il ne s’agit que de fatigue) et à une surévaluation de leur capacité à résister. De plus, par un usage qui a envahi l’espace public et médiatique, aromatisé à toutes les sauces, de la plus pertinente à la plus farfelue, le mot « stress », tellement employé et entendu, a produit un effet de banalisation et d’attention secondaire à un mal et un risque pourtant bien réels.  

Le mythe du « stress positif »

Si les chiffres ont démontré que les dirigeants ne sont pas exempts de souffrir de stress, ils aménagent souvent ce mal de manière à ce qu’il s’intègre à leur rythme de vie et à leurs représentations de la performance. Ainsi, selon l’enquête Opinion Way[13] de 2017, 67 % des chefs d’entreprises répondent que leur santé n’aura pas eu d’impact négatif sur leur performance professionnelle. «  Faux ! s’insurge Olivier Torrès. Par exemple, il est avéré qu’un mauvais sommeil affecte la capacité de l’entrepreneur à saisir des opportunités. (…) Je veux tordre le cou à l’idée qu’il y aurait du stress positif, s’emporte le chercheur. En revanche, il y a le stress subi et le stress choisi. Et il est vrai que le stress challenge a un impact faible sur la santé car il génère de la satisfaction »[14].

 Que désigne-t-on derrière ce vocable de « stress positif » ?  

 Comme il existerait du « bon cholestérol » il existerait du « stress positif ». Les représentations qui permettent l’aménagement de cette pensée du « tout positif » nourrissent le mythe jusqu’à pouvoir convaincre de ce bien-fondé du « stress ». Or, il faudrait désigner autrement cette sensation d’adrénaline ou de tension interne qui encourage à la performance et au dépassement de soi, et cesser de la définir comme du « stress », puisqu’en jouant ce jeu de la polysémie aménagée, on amoindrit le mal pour se convaincre qu’il suppose du bien. C’est le chercheur Hans Selye[15], qui en 1974 dans son ouvrage Le Stress sans détresse, a différencié un stress négatif, porteur de tension (distress), d’un stress positif (eustress), vecteur de bien-être. A l’époque, Seyle travaillait sur les conséquences physiopathologiques d’un traumatisme naturel ou opératoire, qui n’ont rien en commun avec le « stress » qui peut émaner des conditions de travail.

Le stress est en quelque sorte une réaction naturelle. Comme le décrit Eric Albert[16] « Sans stress, nous perdons notre capacité d’adaptation au monde », il conditionne la « souplesse psychique, comportementale et émotionnelle », nous permettant de réagir face à une situation problématique. Il peut donc être appréhendé comme une énergie aussi vitale que naturelle ce qui suppose donc d’en connaître les origines et les impacts, afin d’en faire un allié efficace plutôt qu’un ennemi à combattre. Certes, cette approche du stress nous place dans une posture réconciliée, qui viendrait valider cette croyance du stress positif comme compagnon naturel de toute fonction dirigeante.

S’emparer de la notion et l’adapter à des modes de pensées qui donneraient toute légitimité à un rapport au travail (notamment), peut donc être rapide. Ce serait oublier que comme le soulignait Seyle, le fait que l’agent stressant soit plaisant (joie) ou non (désespoir) est sans importance, son effet dépend de l’« intensité de la demande » faite à la « capacité d’adaptation » du corps. Ainsi, on désigne un état de « détresse » lorsque le stress devient nuisible ou désagréable. Les tensions mentales, les frustrations et l’insécurité sont des stresseurs très nocifs. Lorsque l’agent stressant a disparu ou cessé d’agir, les effets du stress ne cessent pas aussitôt, ils peuvent se prolonger.

Plutôt que d’envisager le « stress positif », il serait sans doute plus opportun d’opérer une distinction entre stress aigu, qui mobilise nos ressources, et stress chronique, qui les épuise.

Le premier suppose de fournir une réponse rapide à une situation précise au moment présent. Une forme de réponse adaptative permettant la mobilisation d’une forte concentration ou d’une énergie particulière afin d’enjamber un obstacle précis. En ce sens, on peut qualifier cet état adaptatif de « positif ». Mais lorsque cet état perdure, et perd sa nature exceptionnelle, il devient fatalement « négatif » et peut être qualifié de stress chronique qui épuise nos défenses tant physiques que psychiques, et nous entraine dans un processus de détérioration pouvant aller jusqu’à la maladie ou la dépression.

En effet, les missions des Directeurs(trices) intègrent comme compétence de maintenir une forme d’anticipation permanente, qui finalement œuvre dans l’ancrage de ce sentiment fantasmatique de pouvoir tout contrôler. Cependant, lorsqu’immanquablement survient l’imprévu, ce dernier devient un puissant amplificateur de stress. « Il est donc essentiel d’être dans la réalité du présent, seul moyen de rester rationnels, d’évaluer les priorités, de faire des choix et d’accepter certains renoncements »[17] nous rappelle le psychiatre Patrick Légeron.

 Rénover le management et les modes de pilotage

Le constat des formes de structuration et de fonctionnement anxiogènes qui participent à l’apparition du stress des dirigeants, s’explique souvent à travers l’inaptitude des organisations à fournir les garanties d’une intégration favorable à la qualité de vie au travail à destination des Directeurs(trices) d’établissements. Le plus souvent, les méthodes de traitement des dysfonctionnements pathogènes s’adressent aux collaborateurs et aux équipes, portées par les politiques de prévention des risques psychosociaux, et pour lesquelles les structures investissent un budget formation remarquable.

Stéphan Pezé[18] faisant état de ses travaux de recherches, livre trois catégories d’explications de ce décalage entre ampleur du problème et mise en œuvre de démarches de gestion du stress efficaces. La première catégorie d’explications pointe les difficultés d’objectivation et de mesure propres aux questions de santé mentale au travail malgré l’obligation pour l’employeur de procéder à l’évaluation des risques professionnels de son organisation (Abord de Châtillon 2004 ; Gollac & Volkoff 2006). Le stress ne serait ainsi pas facilement visible. La seconde catégorie souligne la faiblesse des incitations et dispositions institutionnelles : défaut de mobilisation des organisations syndicales et des dirigeants politiques (Askenazy 2004), fragilité chronique des acteurs institutionnels comme la médecine du travail (Buzzi et al., 2006) et faibles incitations financières au développement des pratiques de prévention (Abord de Châtillon & Bachelard 2005). Il y aurait peu de contraintes ou d’incitations à l’action. Une troisième catégorie d’explications pointe des éléments d’ordre cognitif : déni des questions de santé au travail (Gollac 2006), mise à distance de ces problématiques notamment par peur d’être remis en question en tant que dirigeant ou manager (Picard 2006) ou par manque de formation et de connaissances adéquates (Dab 2008). Comme le souligne le Chercheur, cette dimension cognitive, actuellement peu étudiée, représente une piste de recherche intéressante pour comprendre le décalage relevé ci-dessus.

Pour poursuivre les investigations sur le sujet, il est possible d’agréger les éléments relatifs au déni ou aux connaissances des acteurs et à leurs représentations du stress et de ses impacts. « Pour le moment, force est de constater que peu d’entreprises sont prêtes à se lancer dans une intervention sur le stress. Une étude des représentations sociales des différentes parties (dirigeants, CHSCT, médecins, assistantes sociales, syndicalistes, politiques, chercheurs, …) sur le stress, serait sans doute une piste de recherche des plus intéressantes pour comprendre les forces favorables ou défavorables à cette pratique. » (2006)

Au cours de nos interventions, nous avons constaté au travers des demandes qui nous sont adressées que si les intentions de modifier les pratiques managériales et, par voie de conséquences, les modalités de pilotage des établissements existent réellement, cette volonté de rénovation n’arrivait que rarement à terme. Les initiatives managériales innovantes telles que le  Business process reengineering, la lean organization, le total quality management, ou encore l’Empowerment, font souvent l’objet d’un enthousiasme initial, mais s’écartent progressivement de leur but, voire finissent par s’enliser au profit d’un retour sur les formes originelles des structures managériales et des formes de distribution du pouvoir et de la décision. En réalité, les Dirigeants, malgré les efforts déployés pour rénover ou plus pragmatiquement, s’adapter aux contraintes de plus en plus nombreuses qui pèsent sur eux, n’arrivent pas à accompagner ce changement nécessaire, s’épargne les mutations qui supposent parfois la mise en place de justifications auprès de leurs Directions Générales, et pris sous le poids ininterrompu des difficultés du quotidien, ne mettent en place qu’une part morcelée du dispositif de changement prévu initialement.

Au sein de notre cabinet, nous avons vu également apparaître ces dernières années une demande croissante d’accompagnements individuels, généralement désignés sous le terme de « coaching » de la part des Directeurs(trices) du secteur. Ces missions que nous avions l’habitude de déployer pour le secteur privé, démontre à la fois d’une attitude plus décomplexée des dirigeants du secteur quant à l’accès à ce type d’intervention, mais témoigne également de formes de difficultés inhérentes à tout poste à responsabilité, et contre lesquelles les acteurs réagissent en se saisissant des outils qui ont été conçus précisément à cet effet.

Enfin, le moyen le plus efficace d’agir se trouve sans doute dans une approche des organisations acceptant l’importance de transformer et non d’améliorer. « Il faut abandonner les modèles formels de changement, qui visent à réduire la complexité de l’action organisée, et sortir des leurres du pouvoir hiérarchique »[19]. Pour se faire, c’est à la source que le nouveaux Directeur(trices) devraient avoir accès à un nouveau mode de pensée managériale, et dès leur formation initiale, être mieux préparés à l’ampleur de la tâche qui va leur incomber. Car imaginer avec optimisme l’assouplissement des contraintes institutionnelles et réglementaires pourrait être, à l’épreuve de la réalité, une trop importante source de stress.

Colette Doumenc ; Article paru dans « Les Cahiers de l’Actif »  n° 500/503 – Janvier 2018

 

Colette Doumenc

Bibliographie

 

  • Abord de Châtillon E. et Bachelard O., Management de la santé un travail : un problème de mesure ?, 15e conférence AGRH, 2004.
  • Abry JM., Le social et le médico-social à l’épreuve de sa déshumanisation, in Connexions – Management en contrôle social N°91, 2009.Askenazy P., Les désordres du travail, enquête sur le nouveau productivisme, Editions du Seuil, La république des idées, 2004.
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  • Gaulejac V., Aubert N., Le coût de l’excellence, Le Seuil, 1991
  • Gollac, M., Volkoff, S., La santé au travail et ses masques, Actes de la recherche en sciences sociales, 2006.
  • Grebot E., Dovero M., Le stress professionnel, Axiome, 2005
  • Guignon, N., Niedhammer, I., Sandret, N., Les facteurs psychosociaux au travail. Une évaluation par le questionnaire de Karasek dans l’enquête Sumer 2003, Premières informations, premières synthèses, ARES, 2008.
  • Légeron P., Le stress au travail, Odile Jacob, 2014.
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  • Pezé S., Les représentations du stress des dirigeants : quelles implications pour la gestion du stress au travail ?, Nouveaux comportements, nouvelle GRH ?, HAL, Nov 2010, Saint Malo, 2010
  • Roussillon S., Duval-Hamel J., Le stress des dirigeants, in Comités exécutifs : Voyage au cœur de la dirigeance, Eyrolles Editions d’organisation, Paris 2011
  • Selye H., Stress sans détresse, Éditions La Presse, 1974
  • Weick K., Cognitive processes in organizations, in Staw, B. M. (Ed), Research in Organizational Behavior, Vol. 1, Greenwich, JAI Press, 1995.

[1] Abry JM., Le social et le médico-social à l’épreuve de sa déshumanisation, in Connexions – Management en contrôle social N°91, 2009.

[2] Chia, R., From Modern to Postmodern Organizational Analysis, Organization Studies, 1995.

[3] Allard-Poesi F.et Perret V., Le postmodernisme nous propose t-il un projet de connaissance ?, Cahier de recherche DMSP Dauphine, n°263, 1998.

[4] Weick K., Cognitive processes in organizations, in Staw, B. M. (Ed), Research in Organizational Behavior, Vol. 1, Greenwich, JAI Press, 1995.

[5] Bournois F., Duval-Hamel J., Roussillon S.,  Scaringella JL., Comités exécutifs : Voyage au cœur de la dirigeance, Eyrolles Editions d’organisation, 2011.

[6] Roussillon S., Duval-Hamel J., Le stress des dirigeants, in Comités exécutifs : Voyage au cœur de la dirigeance, Eyrolles Editions d’organisation, Paris 2011

[7] Gaulejac V., Aubert N., Le coût de l’excellence, Le Seuil, 1991

[8] A.E.S.S.T, Prévisions des experts sur les risques psychosociaux émergents liés à la sécurité et à la santé au travail, FACTS, 2007.

[9] Chouanière, D., Léonard, M., Niveau, J., Motivation de dirigeants d’entreprises à entreprendre une démarche de prévention du stress, Recueil des résumés du colloque organisé par l’INRS à Nancy en 2007.

[10] L’Observatoire AMAROK est une association s’intéressant à la santé physique et mentale des dirigeants de PME, commerçants indépendants, professions libérales, artisans, etc. Il a été créé en 2009 par Olivier Torrès, Professeur des Universités (Montpellier) et spécialiste des petites et moyennes entreprises (PME).

[11] Barth I., Martin YH., La manager et le philosophe – Femmes et hommes dans l’entreprise : les nouveaux défis, Le Passeur, 2014.

[12] http://www.anap.fr/les-projets/diffuser-a-grande-echelle-la-culture-et-les-outils-de-la-performance/detail/actualites/le-tableau-de-bord-de-la-performance-dans-le-secteur-medico-social/

[13] Op. Cit.

[14] Interview Olivier Torres, La Tribune, mai 2017. Professeur à l’Université de Montpellier (LABEX Entreprendre) Fondateur d’Amarok, le premier observatoire de la santé des dirigeants de PME et des entrepreneurs. Professeur de management à l’Université de Montpellier 1 et à Montpellier Business School,  titulaire de la chaire santé des entrepreneurs (LABEX Entreprendre). Olivier Torrès est l’auteur de « La santé du dirigeant  » (De Boeck, 2012).

[15] Selye H., Stress sans détresse, Éditions La Presse, 1974.

[16] Psychiatre ; co-fondateur de l’IFAS, l’Institut Français d’Action contre le Stress ;  auteur de nombreux articles et ouvrages qui traitent du stress et du management.

[17] Légeron P., Le stress au travail, Odile Jacob, 2014.

[18] Pezé S., Les représentations du stress des dirigeants : quelles implications pour la gestion du stress au travail?,  Nouveaux comportements, nouvelle GRH ?, HAL, Nov 2010, Colloque de Saint Malo, 2010.

[19] Brunstein I., L’homme à l’échine pliée : réflexions sur le stress professionnel, Desclée de Brouwer, 1999.