Entretien annuel

Entretien annuel d’évaluation et entretien professionnel – Différenciation et obligations

Encore aujourd’hui, l’évaluation des salariés demeure assez floue dans l’esprit de beaucoup. Obligation ? Pratique interne ? Risques ? Avantages ? Tout confondre peut induire en erreur bon nombre de manager. La plupart du temps, les deux formes d’évaluation qui sont confondues, voire superposées dans les faits au cours d’une seule et même rencontre, sont l’entretien annuel d’évaluation et l’entretien professionnel. Or, ce sont bien des actions distinctes, qui si elles sont utilisées successivement ou simultanément, doivent être très correctement définies pour le collaborateur qui devra s’y soumettre.

Comme toute action de gestion des ressources humaines, voire de management, le réflexe à avoir doit toujours être : Quel est le contexte réglementaire de l’entretien annuel d’évaluation ? Que dit la loi ? Existe-t-il un cadre légal ?

En l’occurrence oui. Et il permet de bien distinguer les choses.

L’entretien Professionnel est une obligation fixée par la loi du 05 mars 2014 (loi n° 2014-288 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale publiée le 6 mars 2014 au Journal Officiel de la République Française). Comme son nom l’indique, cette loi s’intègre dans une politique de rénovation de la formation professionnelle, ce qui par défaut souligne qu’il s’agira bien au cours de cet entretien, de traiter la question de la formation du salarié, tant dans les désirs qu’il énonce, que dans les besoins repérés, ou les évolutions envisagées. Il est à noter que cette loi est issue d’un Accord National Interprofessionnel (A.N.I.) ce qui signifie que l’ensemble des partenaires économiques ont adhéré au projet. La loi prévoit la création d’un Compte Personnel de Formation propre à chaque salarié, ainsi que ce fameux entretien professionnel obligatoire pour l’ensemble des collaborateurs. Ce dernier doit avoir lieu tous les 2 ans, et faire l’objet d’un bilan tous les 6 ans.

La dernière réforme de la formation de 2018 ne modifie aucunement ces dispositions, et n’impacte donc pas l’entretien annuel d’évaluation.

Comme on le comprend, l’entretien professionnel ne vise en aucun cas l’évaluation de la posture, des résultats, ou de la satisfaction du salarié, et de l’évaluation qu’en fait le manager. Ce qui par contre est l’objet de l’entretien annuel d’évaluation.

Rappel du dispositif GPEC

Le fonctionnement des « organisations », terme sociologique englobant toutes les entités de travail (entreprises ; associations ; collectivités ; etc.), a principalement évolué depuis la révolution industrielle. S’il peut paraître étonnant de remonter le temps à ce point, l’exercice nous permet en réalité de comprendre la Gestion des Ressources Humaines moderne et la pertinence des outils et techniques qui se sont développés pour l’étayer. Le but ici n’est pas de présenter un inventaire exhaustif de ces évolutions, mais juste de se saisir des principales étapes et de fournir l’éclairage suffisant pour s’approprier la « logique » managériale actuelle.

Remontons donc au début du XIXème siècle. Les machines ont commencé à faire leur apparition, essentiellement au Royaume-Unis, et nous passons d’une économie reposant sur les moyens traditionnels de production (artisanaux et agricoles) à une mécanisation issue de nombreuses innovations, qui vont permettre de « rationaliser » le travail. L’ère de « l’Organisation Scientifique du Travail » (O.S.T.) est née. Les usines apparaissent, abritant des ouvriers qui doivent les faire fonctionner, le plus souvent installés sur des lignes de production. C’est le fameux travail à la chaîne. Dès la fin du XIXe siècle les premières études sociologiques du phénomène organisationnel sont publiées. Cet intérêt des chercheurs est lié à un double mouvement : le développement des grandes industries et des bureaucraties, mais aussi la constitution de la sociologie comme corps de connaissance.

Plusieurs auteurs vont se démarquer. L’un des premiers sera Max Weber, qui s’intéressera à la rationalisation des processus. Mais celui que nous avons souvent en tête est bien évidemment Frederick Taylor et sa théorie normative de l’organisation : le Taylorisme (Organisation Scientifique du Travail), théorie axée sur l’étude de l’optimisation et de la rationalisation de la production. A partir de cette approche du travail, il initiera un modèle professionnel, en proposant de nouveaux principes de collaboration entre ouvriers et patrons, afin d’optimiser le fonctionnement de l’organisation. Comme on peut l’imaginer, l’ouvrier est uniquement appréhendé comme une force de travail au service de la production.

 La théorie de Taylor sera critiquée par Elton Mayo, qui affirmera, contre le taylorisme, le rôle essentiel du facteur humain et relationnel dans la détermination de la productivité économique. Il réintroduit donc les facteurs psycho-sociaux au cœur de l’analyse organisationnelle, laissant ainsi le champ ouvert à l’application des méthodes issues de l’analyse sociologique.

Elton Mayo sera en quelque sorte le précurseur d’une réflexion sur la Gestion des Ressources Humaines, sans pour autant oublier qu’il ancre sa réflexion sur un modèle économique visant la rentabilité. Il faudra donc attendre les années 60, pour que Robert King Merton, sociologue américain, s’intéresse véritablement aux mécanismes qui relient les salariés et les organisations, en développant le modèle d’analyse dit des « relations humaines ». En quelque sorte, la GRH était née. Bien sûr de nombreux auteurs se sont succédés et ont travaillé des pistes successives et simultanées d’analyse. Talcott Parsons, Michel Crozier et Erhard Friedberg pour ne citer qu’eux.

Que doit-on retenir de toutes ces théories ?

C’est l’évolution du travail, de son organisation, ainsi que la mutation de l’écosystème des entreprises, qui ont conduit à rechercher les moyens les plus efficients pour atteindre une véritable rentabilité. Le facteur humain demeure au cœur de cet organe fragile et doit être intelligemment piloté. Faire preuve d’adaptation, se maintenir, ou avoir l’ambition de croître, nécessite donc pour les managers de se doter d’outils qui leur livreront une photographie précise des ressources humaines de l’entreprise, véritable atout concurrentiel aujourd’hui (ce qui justifie d’ailleurs les tentatives de « débauchage » des meilleurs salariés).

Comme nous l’avons vu, chaque évolution trouve son origine dans l’histoire, qui leur donne du sens. La GPEC est apparue avec autant de sens. Fin des années 70 et début des années 80, la France connait une période de plans sociaux successifs, et simultanément est frappée par la fermeture des grands sites miniers. Cette période a permis de prendre conscience  de la nécessaire anticipation du reclassement des ouvriers, de l’impératif de mieux piloter les compétences à l’intérieur des organisations en leur permettant de s’adapter aux fluctuations des marchés, et du besoin d’un outil d’argumentation avec les partenaires sociaux.

Nous sommes donc passés de la Gestion du personnel, à la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, couplé à la mise en place du S.M.Q (Système de Management de la Qualité) reposant sur deux principes : l’approche processus et l’implication du personnel.

A l’instar de beaucoup d’autres choses dans l’entreprise, la G.P.E.C. ne fait pas l’économie de s’inscrire dans un cadre légal spécifique.  Ainsi, depuis 2005 le Code du travail impose aux entreprises qui emploient au moins 300 salariés et aux entreprises de dimension communautaire employant au moins 150 salariés en France, de négocier la GPEC tous les 3 ans avec les partenaires sociaux.

Plusieurs texte y font référence mais nous pouvons retenir l’Accord du 24 novembre 2014 relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et à la formation professionnelle tout au long de la vie : « En fonction de la stratégie de l’entreprise, la GPEC vise la définition et la mise en œuvre de mesures permettant d’anticiper, d’organiser et d’ajuster en permanence aux évolutions prévisionnelles des emplois, les compétences requises par l’entreprise et les compétences des salariés. Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, soumises à l’obligation triennale de négociation sur la GPEC, la négociation porte notamment sur :

  • La mise en place d’un dispositif de GPEC, sur lequel le comité d’entreprise est informé, ainsi que sur les mesures d’accompagnement susceptibles de lui être associées, en particulier en matière de formation et d’abondement du compte personnel de formation, de validation des acquis de l’expérience, de bilan de compétences et de mobilité professionnelle et géographique (autres que celles prévues par les articles L. 2242-21 et L. 2242-22 du code du travail) ».
  • Les grandes orientations à 3 ans de la formation professionnelle et les objectifs du plan de formation. Ces orientations et ces objectifs précisent notamment les compétences et qualifications à acquérir pour les 3 ans de validité de l’accord, les catégories de salariés et d’emplois prioritairement visés par le plan et les critères et modalités d’abondement par l’employeur du compte personnel de formation des salariés prévus dans ce cadre.
    A défaut d’accord d’entreprise, ces éléments font l’objet d’une consultation du comité d’entreprise.
    Les entreprises de moins de 300 salariés sont incitées à négocier un accord sur la GPEC.

(Source : Accord du 24 novembre 2014 relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et à la formation professionnelle tout au long de la vie ; Titre II Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) diagnostic, information, orientation ; Sous-titre II GPEC au niveau de l’entreprise)

Pour résumer, les objectifs de la G.P.E.C. sont simples : avoir une vision nette des compétences des salariés de l’entreprise, de leurs besoins en formation, de leur potentielle évolution, de la corrélation entre compétences à disposition et stratégie de développement, des talents spécifiques, etc. Mais la G.P.E.C. intervient également dans un pilotage global de gestion des carrières, de la promotion de l’égalité professionnelle, d’anticipation des départs et des besoins en remplacement, d’inventaire des compétences manquantes ou insuffisamment  actualisées, d’aspirations des salariés,  d’indicateurs de performance, et la liste est encore longue.

Mener convenablement ce dispositif global au service de la gestion des ressources humaines et du management, signifie de mettre en action un certain nombre d’outils déployés au service du recueil de données nécessaire à l’alimentation de la G.P.E.C. de l’entreprise.

L’entretien annuel d’évaluation fait partie de ceux-là.

Méthode de l’entretien annuel d’évaluation

Comme toute démarche, l’entretien annuel d’évaluation doit répondre à un certain nombre d’impératifs. Il s’agit tout d’abord de se poser un certain nombre de questions : qui ? quand ? combien de temps ? comment ?

Pensez à communiquer autour du dispositif et veillez à ce que tous les managers soient suffisamment formés pour mener convenablement chaque entretien. D’autre part, même si l’entretien annuel d’évaluation n’est pas une obligation légale, la mise en oeuvre du dispositif doit s’accompagner d’une information aux instances représentatives du personnel ou aux délégués du personnel avant d’amorcer les entretiens. Le CHSCT doit également être consulté si vous décidez de traiter au cours de l’entretien la question du comportement du collaborateurs, celle de sa rémunération ou de problèmes d’attitudes. En effet, il est admis que ces entretiens sont sources de stress et peuvent créer chez les collaborateurs une pression psychologique pouvant avoir des répercutions sur leurs conditions de travail. De plus, l’article L.2323-27 du code du travail précise que toute mesure pouvant avoir une incidence sur les conditions de travail, l’évolution de carrière ou des salaires suppose d’en informer préalablement le C.E.

Une fois que ces questions auront trouvé une réponse, passez à l’étape suivante.

L’entretien annuel d’évaluation consiste à engager principalement un dialogue avec le salarié autour de deux axes : le management et les objectifs. Il vise à recueillir des données permettant de connaître le sentiment du collaborateur au sein de l’entreprise, son service, son équipe, les missions qui lui sont confiées, et à votre tour, de lui donner à partir d’élément pragmatiques, votre opinion sur les choses. Attention, il ne s’agit pas de porter un jugement, ou de confondre l’entretien annuel et l’entretien de recadrage ! Il s’agira plutôt d’évaluer avec lui sa motivation, ses projets, ses ambitions, ses résultats, les problèmes qu’il rencontre potentiellement sur son poste, mais aussi ses initiatives et ses envies.

Pour que cet échange s’engage, il est donc nécessaire de préparer en amont l’entretien, tant du côté du manager que de celui du collaborateur. A partir d’une matrice commune que vous remplirez respectivement avant l’entretien, listez ce qui vous paraît important (motifs de satisfaction ou d’insatisfaction, résultats obtenus, écarts entre objectifs et résultats, capacités liées au poste, compétences saillantes, etc.). Pensez également à envisager les prospectives, les projections, les évolutions possibles, ou pas !

Avant tout, sachez créer un climat de confiance qui va favoriser l’interaction. Tout entretien avec son N+1, et l’entretien d’évaluation ne fait pas défaut, et une source de stress pour le collaborateur. Soignez l’accueil, évitez la formalisation traditionnelle de la distribution devant et derrière un bureau, reprenez en début d’entretien l’historique du collaborateur, son évolution, sa progression, les motifs de satisfaction etc.

Evidemment, notez les écarts entre votre discours et celui du salarié reçu lorsqu’il y en a, et soyez, encore une fois, pragmatique.

Terminez toujours l’entretien en demandant au collaborateur s’il a des questions, si tous les points ont été traités, et n’hésitez pas à redire à quoi servent les éléments recueillis. Enfin, un compte-rendu de l’entretien doit être remis au salarié afin qu’il puisse le signer. Néanmoins, sa signature n’est pas une obligation légale !

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